ActualitésEn Europe du Nord, les feux d’artifice sous le feu…des critiques

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02 Jan

En Europe du Nord, les feux d’artifice sous le feu…des critiques

Par: Houcine MAIMOUNI

 

Copenhague- En Europe du Nord, sacrée champion incontestable de durabilité et de pratiques « eco-friendly », le passage au Nouvel An est synonyme de mauvaise conscience. Ici, les détonations des feux d’artifice prennent des propensions de plus en plus alarmantes, au point de s’attirer les foudres des critiques.

C’est à se demander pourquoi ces contrées habituellement si paisibles et calmes cèdent soudainement au vacarme tonitruant et époustouflant de plusieurs salves de feux d’artifice à minuit ?

Le temps maussade et sombre, la grisaille dans l’air et les nuits s’allongeant comme l’ennui, l’on s’ingénie à créer des moments de joie, à éclairer les balcons, à s’agripper à la lumière, cette denrée rare qui fait défaut.

Pour le stratagème, dans ces pays où l’Eglise peine à ramener dans la bergerie d’innombrables « brebis galeuses », tout est bon, y compris les réminiscences d’antan jusqu’aux fêtes chrétiennes, à l’instar de La Sainte-Lucie célébrée en fanfare le 13 décembre en Scandinavie.

S’il est vrai que le calendrier est, ici, émaillé de tant de festivités chantant la lumière, le réveillon de la Saint-Sylvestre (ou le réveillon du jour de l’An) n’a presque absolument aucune connotation religieuse ; à fortiori dans une zone où les peu de croyants sont d’obédience protestante.

Mieux, c’est devenu un marché lucratif tendu où les enjeux de l’économie se disputent la vedette à la donne écologique, avec en toile de fonds des interrogations toujours nerveuses sur le plan sécuritaire.

A Copenhague, le passage au Nouvel An n’a pas dérogé à la règle, la place mythique de Radhuspladsen étant devenue un véritable champ de bataille. Les principaux boulevards fermés à la circulation, plusieurs ambulances ont été dépêchées sur les lieux escortés (fait assez rare !) de camions blindés de la police.

Le lendemain, la presse locale n’a pas tari de photos et de vidéos assez loufoques donnant à voir des ambulanciers ou des sapeurs-pompiers à l’œuvre auxquels on s’amusait à tirer pétards et bombes assourdissantes…

En 2018, les Danois ont dépensé 415 millions de couronnes (55,5 millions d’euros) en pétards, roquettes et crackers, selon des données de la Chambre de commerce danoise.

Evidemment, ceci livre une soirée bien remplie pour les services d’urgence dans les hôpitaux du pays qui, aux premières heures de 2017, ont reçu 237 blessures traitées des suites d’accidents liés à des feux d’artifice.

En attendant des données plus fraîches, il importe de signaler que le passage au Nouvel An est aussi lié à la tradition de la poudre à canon que les Danois tiraient, dès le XVIIe siècle, lorsque Copenhague était assiégée par la Suède.

Pendant le siège, qui a duré de 1658 à 1660, des canons ont été tirés trois fois des fortifications de Copenhague le jour du Nouvel An en signe de défi. Pendant la pause entre les coups de canon, les soldats et les habitants de la ville tiraient avec leurs propres armes.

Sauf qu’en Suède voisine, les choses ont bien changé tant est si bien que des communes organisent souvent des spectacles pyrotechniques plus ou moins avancés, comme à Stockholm où un feu d’artifice accompagné de musique classique, house, pop et rock, est tiré depuis Norrbro et l’Opéra Royal, à partir de 23h30.

À Malmö, proche de Copenhague, des fusées ont été tirées depuis Nyhamnen, tandis que Göteborg (2ème ville du pays) offrait des feux d’artifice, tiré depuis Kvillepiren, dans le port, à partir de 17h. Outre ces feux d’artifices « officiels », d’autres spectacles pyrotechniques à caractère privé sont offerts.

Dans un pays qui dépense chaque année 160 millions de couronnes en feux d’artifice, la facture est quand-même lourde ; ce qui a amené une série de restrictions au fil des années !

En 2002, les pétards ont été interdits, puis en 2008, les chandelles de 10 cm, depuis plus aucun décès à cause de feu d’artifice n’a été déploré en Suède. En 2014, c’était au tour des fusées contenant plus de 75 g de poudre.

En 2019, le passage au Nouvel An est célébré pour la première fois dans le cadre de règles renforcées sur les feux d’artifice, en vertu d’un changement entré en vigueur en juin dernier, nécessitant l’obtention d’un permis et d’une formation obligatoire pour utiliser les roquettes crépitantes.

En plus de répondre aux exigences environnementales, la mesure vise à limiter les blessures causées par une mauvaise manipulation des explosifs spectaculaires.

Les autres sortes de pièces de feux d’artifice, tels que les gâteaux par exemple, peuvent être tirées sans autorisation pour le Nouvel An, mais uniquement par des personnes majeures.

Vu depuis le Danemark, le modèle suédois interpelle, tout comme son semblable norvégien où le gouvernement a, depuis 2008, introduit des règles interdisant les feux d’artifice de type pétard avec stabilisateurs, ainsi que les feux d’artifice qui ressemblent à des jouets.

De plus, les Norvégiens ne peuvent acheter des feux d’artifice qu’entre le 27 et le 31 décembre et ne peuvent les déclencher qu’entre 18 heures et 2 heures du matin le soir du Nouvel An.

Les mesures norvégiennes ont entraîné une baisse significative du nombre d’accidents, de 155 blessures liées aux feux d’artifice en 2007-2008 à une moyenne de 58 au cours des années suivantes.

En Finlande, si l’on a l’habitude de passer tranquillement la semaine séparant Noël du jour de l’An, c’est que l’on retient son souffle pour la fête débridée marquant partout dans le pays le passage à l’année nouvelle.

Les Finlandais ont pour habitude de passer le 24 et le 25 décembre dans la seule compagnie de leurs proches, tandis que dans les jours suivant la fête ils vont rendre visite à leurs amis… non sans faire le plein de forces, et d’articles pyrotechniques en prévision de la nuit de la Saint-Sylvestre.

Si ces gadgets pour particuliers sont vendus dans le commerce entre Noël et le Jour de l’an, leur usage est néanmoins strictement réglementé et limité à un créneau horaire allant de 18h le 31 décembre à 2 heures du matin le 1er janvier.

Au douzième coup de minuit, les gens s’écrient « Hyvää uutta vuotta ! » ou parfois « Gott nytt år ! » (Bonne année, respectivement en finnois et en suédois, le suédois étant deuxième langue officielle du pays) avant de lever leur flûte de liqueurs pour se souhaiter plein de bonnes choses au milieu de moult poignées de mains, embrassades et bisous.

Dans l’entretemps, l’Association islandaise de recherche et de sauvetage (ICE-SAR) continuera de vendre des plants d’arbres dans ses magasins de feux d’artifice conformément à un nouvel accord avec l’Association islandaise des forêts, qui devrait expirer en 2023.

Alors que les problèmes environnementaux sont passés au premier plan de la conscience nationale, la longue tradition islandaise de feux d’artifice a récemment été examinée et la plupart des feux d’artifice allumés en Islande sont importés de Chine, ce qui se traduit par une empreinte carbone importante.

Les Islandais ont allumé quelque 600 tonnes de feux d’artifice chaque année depuis 2005. Si beaucoup ont appelé à la modération, ces appels sont problématiques, étant donné que la vente de feux d’artifice est la principale source de revenus pour l’ICE-SAR qui, selon certaines estimations, détiendrait 75% du marché du feu d’artifice en Islande.

A l’image de ses semblables nordiques, l’Autorité islandaise de l’alimentation (MAST) a appelé à bien prendre soin des animaux de compagnie pendant que des feux d’artifice sont tirés depuis mardi soir jusqu’au 6 janvier.

Le bruit des feux d’artifice peut terrifier les animaux de compagnie, entraînant des blessures pour eux-mêmes et pour les autres, a conseillé la MAST, appelant les propriétaires à rester auprès de leurs animaux et à leur parler calmement lorsqu’ils ont peur.

Les propriétaires d’animaux, en particulier ceux qui possèdent des chiens et des chats, ainsi que les propriétaires de chevaux, savent à quel point le bruit peut affecter les animaux. Des chiens affolés peuvent courir dehors au risque d’être renversés par des voitures, prévient-on, précisant que les chevaux, en particulier, sont en danger car, entendant exploser des feux d’artifice, ils risquent de briser des clôtures et courir vers les montagnes.

Si un cheval s’emballe, cela peut provoquer une bousculade. Tirer des feux d’artifice près de l’endroit où les gens montent à cheval peut provoquer de graves accidents, prévient-on.

Conformément à la réglementation, les feux d’artifice ne peuvent être tirés qu’entre 10 heures et 22 heures du 28 décembre au 6 janvier et toute la veille du jour de l’An jusqu’au matin du Nouvel An.

Et si ces gadgets au son assourdissant servaient de piqûres de rappel ? Après tout, dit-on, il y a des coups de massue qui rendent lucides !

 

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