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06 Avr

Un groupe de think tankers européens et africains alertent sur l’impact du Coronavirus en Afrique

Rabat – Les membres d’un groupe réunissant des think tankers européens et africains ont lancé, lundi, un appel pour alerter les opinions de leurs pays respectifs sur l’impact prévisible du Coronavirus en Afrique.

« Le Coronavirus va indéniablement transformer la politique mondiale. La vitesse et l’ampleur avec lesquelles le virus se transmet et la gravité de sa portée ne relèvent malheureusement pas de l’infox », affirment-ils, soulignant que pendant que « le virus se propage à travers le monde, la capacité d’atténuer son impact est intrinsèquement liée aux ressources disponibles et à l’efficacité des autorités publiques. C’est pour cela qu’il est primordial que les dirigeants internationaux se concentrent sur ses conséquences sur les plus vulnérables, et en particulier en Afrique ».

En même temps, ils apprennent qu’il y a tout juste trois mois, le 31 décembre 2019, les autorités chinoises informaient le bureau de Pékin de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) d’un risque d’épidémie et que 100 jours plus tard, trois milliards de personnes dans le monde sont confinées chez elles.

« C’est le résultat d’une approche radicale en réponse à une urgence de santé publique. Mais qu’est-ce que cela signifie pour les pays dont les infrastructures sanitaires sont inexistantes et qui ne disposent que de peu d’outils administratifs ? », s’interrogent-ils.

Si toutes les nations sont menacées et se débattent pour éviter de tomber dans l’abîme, il est plus que jamais nécessaire d’envisager la situation sur le plan global tout en s’adaptant aux conditions locales dans le but de protéger les communautés les plus vulnérables à travers le monde, alertent-ils, car selon eux, elles sont menacées non seulement par les risques du virus lui-même, mais aussi par ses conséquences politiques, économiques et sociales.

« Les pandémies ont un prix. Les combattre coûte cher, surtout pour les plus démunis », ont-ils écrit.

Ils rappellent dans le même sillage que la pandémie du VIH/Sida a fait reculer la croissance du PIB de deux à quatre pour cent en Afrique subsaharienne, et que selon les chiffres de la Banque mondiale, le virus Ebola aurait réduit de 12% le PIB cumulé des trois pays les plus touchés en 2014-2016, à savoir la Guinée, le Libéria et la Sierra Leone.

« Mais cela n’est rien en comparaison avec les répercussions et l’ampleur du Coronavirus. Au cours des deux dernières semaines, l’effondrement des marchés financiers a entraîné une baisse des valeurs de plus de 9 trillions de dollars. Une baisse de la croissance du PIB mondial pourrait engendrer, selon les estimations actuelles, une perte de 2 trillions de dollars supplémentaires. Le renforcement des mesures de confinement dans les économies majeures du globe menace d’avoir des répercussions encore plus catastrophiques et une profonde récession mondiale semble inévitable », constatent-ils.

Selon eux, ces effets se ressentiront d’autant plus en Afrique, où la population est plus proche du seuil de pauvreté que dans d’autres régions du monde et ne dispose d’aucune épargne pour faire face à une crise.

« L’Afrique abrite déjà la plus large proportion de personnes démunies par rapport aux autres continents. Même si la pauvreté dans le monde a reculé de 36 % en 1990 à 10 % 25 ans plus tard, ce qui représente plus d’un milliard de personnes, la progression plus lente de l’Afrique et l’augmentation constante de sa population signifient que la pauvreté concerne plus de 413 millions de personnes en 2015 », font-ils savoir, indiquant que le taux de pauvreté en Afrique subsaharienne s’élève à plus de 40 % et le continent regroupe 27 des 28 pays les plus démunis du monde.

Dans le même ordre d’idées, les signataires signalent « la coexistence de systèmes d’institutions fragiles et de gouvernements faibles constitue d’après eux un mélange dangereux en temps normal qui favorise la précarité ».

Ils mettent en relief dans ce sens le constat de l’Organisation internationale du travail qui « estime que 74 % des Africains sont dans une situation d’emploi « vulnérable », c’est-à-dire soit de chômage, soit de sous-emploi, en comparaison avec les 45 % qui représentent le point de référence mondial, dans un continent où les systèmes nationaux de sécurité sociale sont quasiment inexistants. Le revenu moyen par habitant en Afrique subsaharienne est de 1585 dollars américains, c’est-à-dire 14 % de la moyenne mondiale ».

Ils notent par conséquent qu’aujourd’hui, dans la situation de crise extrême que nous traversons, ce mélange de bas revenus et de moyens limités pourrait s’avérer fatal à un nombre impossible à fixer de personnes.

Par ailleurs, l’effondrement du prix du pétrole, la fragilité de la sécurité alimentaire, la perturbation des échanges commerciaux affectent tout particulièrement des économies africaines en forte croissance, qui cherchaient à s’intégrer à l’économie mondiale. L’interruption brutale du tourisme et des investissements étrangers, et la volatilité financière, fragilisent les pays africains plus que les autres, ont-ils encore observé.

Ils ont dès lors avancé qu’en cette période où chaque pays se replie sur lui-même pour combattre la maladie, « il faut soutenir les pays africains à travers une coopération internationale intensive qui se décline dans l’activation de centres opérationnels d’urgence, l’envoi de masques et d’équipements de protection, le recours aux technologies de l’information pour apprécier la diffusion du Covid-19 en temps réel et l’identification des groupes à risques ».

Parallèlement, il faut renforcer les capacités de santé existantes, et mettre en œuvre des programmes d’aide économique et sociale compatibles avec les réalités locales, recommandent-ils, rappelant que pendant la crise de l’Ebola, l’Afrique a su montrer comment, avec une aide internationale adaptée, elle avait su maîtriser une pandémie et, finalement, l’endiguer.

« La crise actuelle est un moment de vérité pour la mondialisation, et les relations entre l’Europe et l’Afrique. C’est aussi une opportunité de solidarité et de coopération », affirment-ils en conclusion.

Les membres composant ce groupe de think tankers européens et africains sont Yonas Adeto de l’Institut d’études pour la paix et la sécurité en Ethiopie; Karim El Aynaoui de Policy Center for the New South au Maroc; Thomas Gomart de l’Institut français des relations internationales en France; Paolo Magri de Institut des études politiques internationales en Italie; Greg Mills de Brenthurst Foundation en Afrique du Sud; Karin Von Hippel du Royal United Services Institute for Defence and Security Studies à Londres et Guntram Wolff de Bruegel en Belgique.

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