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19 Mai

Journée mondiale des abeilles: quatre questions à deux expertes

Propos recueillis par Yosra BOUGARBA

Rabat – Stefanie Christmann, chercheuse Senior au Centre international pour la recherche agricole dans les zones arides (ICARDA) et Imane Thami Alami, directrice de recherche à l’Institut national de la recherche agronomique (INRA), reviennent dans un entretien accordé à la MAP, à l’occasion de la Journée mondiale des abeilles, sur les causes de la disparition des abeilles ainsi que son impact sur la biodiversité et la sécurité alimentaire.

1 -Quelles sont les causes de la disparition des abeilles ?

L’agriculture dépend fortement des pollinisateurs, mais elle constitue également la plus grande menace pour ces derniers. Les produits chimiques, les monocultures, le labour fréquent et profond mettent les abeilles en danger.

Les pollinisateurs sauvages ne volent pas loin (50 à 2.000 m du nid). Par conséquent, si le nid est loin des cultures, les pollinisateurs ne peuvent pas assurer le service et meurent de faim.

Environ 70% des abeilles sauvages nichent dans le sol et l’ensemble d’opérations de labour exécutés en été détruisent leurs nids. En outre, les produits chimiques qui s’accumulent dans le sol, après pulvérisation, peuvent tuer les abeilles femelles qui viennent creuser les cavités pour pondre les œufs.

Par ailleurs, le vieux bois et les tiges creuses, importants pour la nidification d’autres espèces d’abeilles, se raréfient dans les monocultures.

En outre, le changement climatique deviendra de plus en plus une menace pour les abeilles et les autres pollinisateurs sauvages, notamment les papillons, les mouches et les guêpes.

2 – Quel est l’impact de la disparition des abeilles sur la biodiversité ?

87% des plantes à fleurs dépendent des services des abeilles et d’autres pollinisateurs. La pollinisation est une étape indispensable dans le processus de reproduction des plantes à fleurs, pour leur régénération et leur adaptation au changement climatique (la pollinisation croisée augmentant la diversité génétique et donc les chances d’adaptation).

La disparition des abeilles entraînerait la disparition d’une grande partie de ces 87% de plantes à fleurs et de tous leurs services écosystémiques. Ainsi, les habitats et les services écosystémiques s’en trouveraient considérablement modifiés.

Ces 87% de plantes à fleurs constituent la nourriture des animaux et de nombreux autres animaux, qui disparaîtraient sans cette nourriture.

Comme les abeilles et autres pollinisateurs sont aussi des proies pour les animaux, les chaînes alimentaires des animaux et des humains s’aggraveraient. La biodiversité diminuerait à ses trois niveaux : diversité génétique, diversité des espèces et diversité des habitats.

3 – Quel est l’impact de la disparition des abeilles sur la sécurité alimentaire ?

Les 3/4 des cultures les plus importantes pour la consommation humaine dépendent des pollinisateurs, comme le thé, le café, le cacao, les noix, les fruits, les légumes, les épices et les oléagineux.

Ces cultures fournissent de nombreux nutriments indisponibles dans les autres grandes cultures qui ne dépendent pas des pollinisateurs, comme le riz, le maïs, le blé et l’orge. Par conséquent, nous souffririons de malnutrition.

4 – Quel est le rôle de la pollinisation dans l’agriculture ?

Les pollinisateurs sauvages sont un facteur de production important mais négligé. Sans pollinisateurs, le rendement de la courgette, de la citrouille et du melon, par exemple, serait réduit de 90%, alors que celui de la pomme, de la cerise, du colza, de l’avocat et de l’abricot diminuerait de 40 à 90%.

Les cultures bien pollinisées ont souvent un meilleur goût ainsi que de meilleures forme et taille (concombre, fraise, aubergine, pomme…).

En outre, la plantation de 4 à 8 différentes plantes commercialisables en bordure des champs permet d’améliorer l’habitat, d’attirer les pollinisateurs et d’augmenter considérablement les rendements et les revenus des agriculteurs.

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