Mohamed Khattou ou l’alchimiste des pneus recyclés

-Par Zineb JANATI-

Agadir – « Transformer un métal vulgaire comme le plomb en or était le rêve de chaque alchimiste », Mohamed Khattou ce Gadiri d’une trentaine d’années a réussi à concrétiser le vœu le plus cher de ces savants du moyen-âge…. mais à sa manière.

Une ou deux fois par mois, Mohamed alias « Mo » pour les plus proches se rend à la ferraille, non pas à la quête de déchets métalliques, mais de pneus usés, la matière première de ces pièces esthétiques. Yeux écarquillés et bouche souriante, le jeune artiste, fervent défenseur de l’environnement, admire paisiblement ces montages de pneus entassés et imagine déjà les beaux articles qu’ils deviendront après leur recyclage.

« Enfant, affirme-t-il, je me suis toujours demandé si ces anciens pneus ne pouvaient pas avoir une seconde vie et servir à « autre chose » comme le bois et les métaux ». Le seul usage dont je me souviens était pour la fabrication de seaux (les Kbabes) pour les hammams (bains publics) ou encore pour fabriquer des récipients pour y mettre le fourrage du bétail.

« En devenant adulte et étant donné que la protection de l’environnement est devenue une question qui me tient à coeur, j’avais une seule idée à la tête: Comment transformer les pneus usés en caoutchouc, à l’odeur nauséabonde en des objets élégants pour usage quotidien ou décoration, a confié “Mo” dans un entretien à la MAP.

« Une fois dans l’atelier, ces pneus achetés de la ferraille sont délicatement décrassés et séchés, avant l’application d’un produit pour éliminer l’odeur repoussante », explique Khattou, président de la coopérative « UpcycleMo », dont le local se trouve au sein de la Kasbah de Souss, un lieu rassemblant des artisans, dont des tisserands, potiers, cordonniers, ferblantiers, sculpteurs sur pierre et sur bois, outre des spécialistes de la marqueterie de bois de cèdre.

Dès que le visiteur rentre à la boutique, il devient émerveillé par le nombre de chefs-d’œuvre fabriqués par les pneus recyclés :  des Fauteuils-éléphant, des sandales, des sacs, un salon de terrasse, des escabeaux, des coffres, des porte-bûches, des miroirs, des pendules, des porte-stylos, des tabourets, des tables, une banquette, des porte-parapluies, des ceintures, une énorme tête d’éléphant pour décoration, un crocodile et même un coq.

“Ces créations, sont réalisées avec l’aide d’environ 15 artisans et de femmes de villages qui travaillent dans la coopérative » a fait savoir « l’alchimiste des pneus usés » tout en regrettant la baisse catastrophique de ventes à cause de la situation épidémiologique actuelle, qui l’a poussé à se séparer à contrecœur de la majorité de ses artisans pour ne garder que trois.

« Mes produits éco-friendly, très valorisés, se vendaient bien avant la crise sanitaire, au Royaume comme à l’étranger, a fait remarquer “Mo”, précisant que les prix sont très abordables et varient selon la nature de l’article, sa qualité et le temps qu’a pris leur fabrication.

Des articles, plus ou moins simples, comme les sacs de plages, les corbeilles, ou encore les porte-stylos demandent une seule journée pour être prêts et moins de matière première, par contre un salon de terrasse ou un grand coffre de rangement nécessitent une bonne quantité de pneus de vélos (plus de 50) et une dizaine de jours de travail, confie le jeune créateur qui a pris part à la COP22 et à plusieurs Salons d’artisanat nationaux et internationaux.

« L’objectif principal de ma coopérative est avant tout de protéger l’environnement, chaque année, des milliers de pneus partent en fumée, souvent lors des manifestations ou pour la « Chaâla d’Achoura », deux pratiques gravement polluantes et néfastes pour la santé”, regrette ce Gadiri, se donnant la promesse de continuer à œuvrer pour le bien de l’environnement et la réduction de son empreinte écologique.