En vedetteA Bonn, le cri de détresse des petits Etats insulaires sera-t-il entendu ?

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03 Nov

A Bonn, le cri de détresse des petits Etats insulaires sera-t-il entendu ?

Bonn – Ils sont une quarantaine d’îles ou archipels regroupés au sein de l’Alliance des petits États insulaires (Aosis). Leurs émissions de gaz à effet de serre sont insignifiantes, mais ces minuscules pollueurs demeurent les perdants potentiels du dérèglement effréné du climat, un phénomène dont ils n’ont rien à voir.

La 23ème Conférence mondiale sur le climat (COP23) qui s’ouvre, lundi à Bonn, la première présidée par un pays extrêmement vulnérable comme les Iles Fidji, aura donc à répondre à l’urgence d’une action décisive devant la détresse des États insulaires en développement.

Après une présidence marocaine aussi dynamique que résolument engagée en faveur des pays africains et ceux exposés au réchauffement planétaire, c’est au tour de ce petit pays du Pacifique de porter la voix de la cause climatique et surtout d’attirer l’attention sur les périls qui guettent les laissés pour compte de la cause écologique.

D’autant plus que les îles Fidji étaient frappées en 2016 par le cyclone le plus dévastateur de leur histoire, poussant les autorités à décréter l’état de catastrophe naturelle qui a été maintenu pendant un mois.

« Il arrive souvent que ceux qui ont le moins contribué au changement climatique subiront le pire impact, et c’est tellement vrai pour le groupe des Small Islands states », a déclaré à la MAP Benjamin Schachter, responsable à l’office des Nations-unies à Genève.

Ce chargé du dossier des « droits et changement climatique  » au Haut-commissariat aux droits de l’Homme a affirmé que ces zones sont frappées de manière disproportionnée par les effets du dérèglement face auquel leurs moyens paraissent bien dérisoires.

« La justice climatique, a-t-il dit, exige que les actions d’atténuation et d’adaptation puissent profiter en priorité aux populations des États insulaires en développement (PEID), aux peuples autochtones et aux personnes en situation de vulnérabilité ».

La COP fidjienne, délocalisée à Bonn pour des raisons de logistique, offre une aubaine pour mettre à profit l’élan enclenché à Marrakech afin de contenir la température de la planète bien au-dessous de 2 degrés Celsius.

C’est la raison pour laquelle le ministre maldivien de l’Environnement Abdullahi Majeed a lancé un cri de détresse, lors d’une réunion préparatoire de la COP23, sur l’urgence d’agir pour la communauté internationale. « Nous n’avons le temps ni de traîner des pieds ni de pérorer. La science est très claire et nous savons tous ce qu’il faut faire », a plaidé le chef de la délégation des Maldives.

Dans cet archipel menacé dans son existence même, le président Mohamed Nasheed avait organisé un conseil des ministres en mer à 6 mètres de profondeur pour alerter sur le risque de submersion qui met en péril son pays.

Pis encore, des chercheurs australiens ont tiré en mai dernier la sonnette d’alarme sur les dangers qui planent sur l’Archipel des Salomon, également dans le Pacifique, en affirmant que cinq îles ont déjà disparu en raison de la montée des eaux et de l’érosion côtière. Pourtant, les dizaines de PEID n’émettent que 1% des émissions de gaz à effet de serre.

A l’avenir, la multiplication attendue des tempêtes extrêmes pourrait balayer les efforts de certains pays : en 2012, le cyclone Evan avait fait perdre un tiers du PIB samoan. Déjà entre 1970 et 2006, le Vanuatu, Grenade, Tonga, Sainte-Lucie, Samoa et les Maldives encaissaient les plus grosses pertes économiques à cause de catastrophes climatiques, annulant des années de progrès.

Entre le rendez-vous de Marrakech et celui de Bonn, le Maroc a fait de l’appui aux pays les plus vulnérables au dérèglement climatique l’axe principal de sa feuille de route.

« Cette phase de transition est riche d’innovations et de créativité, mais les enjeux financiers sont énormes », a fait observer le président de la COP 22, Salaheddine Mezouar.

Reste à savoir si la grand-messe climatique qui démarre la semaine prochaine va écouter le cri de ce groupe de pays fragiles car, comme l’a dit dernièrement un expert de l’ONU, « il ne s’agirait pas seulement d’une faute morale que de les laisser livrés à eux-mêmes, mais aussi d’une erreur stratégique ».

Abdellah CHAHBOUN

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