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07 Fév

Energie: la Suisse traine les pieds sur le passage au renouvelable

Abdellah CHAHBOUN

Genève – Avec à peine 2 pc des besoins couverts par les énergies renouvelables, la Suisse demeure nettement à la traîne par rapport à la moyenne européenne, un retard imputable d’après experts et ONG au « manque de volonté politique ».

Et pourtant, Berne fait du passage du nucléaire vers le renouvelable une grande priorité de sa « Stratégie 2050 » pour compenser l’essentiel des 25.000 gigawatts d’électricité issue des cinq réacteurs nucléaires du pays.

Un pari qui semble déjà difficile à tenir d’autant plus que la confédération helvétique se classe en 25ème position en matière de transition énergétique sur 29 Etats européens, selon une étude comparative que vient de publier la Fondation suisse de l’énergie (SES).

L’étude dresse un tableau peu reluisant sur le passage à l’énergie verte dans ce pays où seulement 168 kilowattheures (kWh) du solaire et de l’éolien sont produits par personne en 2015, bien loin derrière les leaders que sont le Danemark (2.619 kWh), la Suède (1.704 Kwh) et l’Allemagne (1.556 Kwh).

La fondation déplore qu’à ce jour, seules la Slovénie, la Slovaquie, la Hongrie et la Lettonie produisent moins d’énergie solaire et éolienne par habitant que la Suisse.

Si le classement ne tient pas compte de l’hydraulique, qui représente près de 60 pc de l’énergie générée, il dénote toutefois « un manque de volonté politique dans les filières renouvelables intermittentes », estime Myriam Planzer, responsable de l’étude et membre du Fonds mondial pour la nature (WWF). « Il n’y a tout simplement pas assez d’argent pour véritablement promouvoir l’énergie solaire ou éolienne », a-t-elle expliqué au cours d’une rencontre avec la presse.

En 2014, le pays produisait 1,3 pc de son électricité grâce au solaire et à l’éolien, contre 11,7 pc en moyenne dans l’Europe des Vingt-Huit, incluant l’Allemagne à près de 16 pc, conformément aux données de l’Office fédéral de l’environnement (OFEN).

Il n’en demeure pas moins que les projets d’énergie verte fleurissent, mais les moyens pour les subventionner font défaut. Mis en place en 2009, le système de rétribution à prix coûtant (RPC), qui propose aux producteurs d’électricité renouvelable de rembourser la différence entre le coût de production et le prix du marché, semble être victime de son succès.

Si 12.000 installations bénéficient déjà du système, et 2.500 autres ont reçu le feu vert des autorités, plus de 36.000 projets sont actuellement inscrits sur la liste d’attente qui ne cesse de s’allonger de mois en mois.

Et pour cause, le casse-tête des moyens financiers insuffisants face à l’afflux des demandes de rétribution persiste toujours, comme l’explique Frank Rutschmann, chef de la section Energie renouvelable à l’OFEN. « Ce sont près de 1.000 nouvelles demandes qui arrivent chaque mois. Comme le système de rétribution a été pensé en 2009, sa mise en œuvre s’avère beaucoup plus chère que prévu au regard de la baisse sensible du prix du kilowattheure », a-t-il précisé.

De l’avis de l’expert en énergie Stefan Schneeberger, patron du groupe HCT Systems, le pays a malheureusement creusé son retard en termes de consommation bien qu’il ait suivi la tendance sur le plan industriel.

L’année dernière, les énergies renouvelables combinées (solaire, éolienne et biomasse) n’ont pesé que pour 0,9 pc de la consommation totale. « En dépit d’une prise de conscience écologique, la Suisse se concentre sur une politique d’économie d’énergie plutôt que sur les sources alternatives », explique M. Schneeberger qui à son tour pointe du doigt « l’absence de volonté politique dans ce domaine ».

L’expert fait observer qu’en même temps, des pays moins développés ont réussi le processus de libéralisation du marché de l’électricité, une dynamique qui a conduit au développement d’énergies alternatives.

Ce n’est pas le cas dans le pays helvétique où, selon lui, l’hydraulique demeure prépondérant pour répondre aux besoins en électricité, en ce sens que l’absence de libéralisation se dresse comme « un frein à la progression des énergies alternatives ».

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