Chellah, un havre de paix sur des vestiges de 2.300 ans d’histoire
.-Par Meriem Rkiouek-.
Rabat – Avec son cadre naturel paisible et accueillant, ses nids de cigognes et les trésors archéologiques romains et mérinides qu’il abrite, le jardin de Chellah est un lieu de prédilection pour les amoureux de la nature et les férus du tourisme culturel. Bien entretenu et très proche du centre-ville de Rabat, le site gagnerait à être connu davantage.
A quelques encablures du centre-ville de Rabat, pas loin de ses rues grouillant de monde et du vacarme des automobilistes et des marchands ambulants, émerge, comme par magie, le site historique de Chellah.
Avec ses somptueuses murailles couleur sable qui surplombent une abondante végétation flamboyante, le site, vu de loin, ressemble à une forteresse tout droit sortie d’un roman d’histoire. Tranchant avec les hauts bâtiments modernes du quartier administratif, qui se trouve à un quart d’heure de marche, le lieu devient « exotique », presqu’irréel. On dirait un décor pittoresque planté au cœur de la capitale pour les besoins du tournage d’une épopée hollywoodienne !
La magie opère dès qu’on franchit l’impressionnante porte d’entrée octogonale édifiée par le sultan mérinide Abou Al Hassan Ali, et qu’on arpente le chemin dallé bordé d’arbres d’essences variées et de fleurs odorantes.
A perte de vue s’étale une nature luxuriante laissée à l’état vierge et protégée, telle un bijou dans un coffret, par de longues murailles héritées de l’époque mérinide et restaurées à perfection par les soins des autorités locales.
La douzaine d’hectares qui constitue la superficie de ce musée à ciel ouvert est parsemée de vestiges, témoins muets mais éloquents du passage de grandes civilisations qui se sont appropriées les lieux.
C’est que Chellah fut, tour à tour pendant plus de 2.300 ans, une ancienne agglomération phénicienne, carthaginoise et romaine. Le site, laissé à l’abandon depuis 1154, connut une seconde vie lorsque les Mérinides le choisissent pour y édifier leur nécropole.
Deux civilisations intrinsèquement différentes, séparées par des dizaines de siècles, se juxtaposent à Chellah.
« J’apprécie surtout ce joli mélange d’histoire romaine et arabe, deux civilisations qui se chevauchent. Je contemple les vestiges et m’amuse à reconstituer dans mon imagination, tels les morceaux d’un puzzle, l’histoire qui se cache derrière », nous confie Omar, un quadragénaire amoureux des randonnées au sein de la nature.
Dans la partie romaine trônent les ruines de Sala colonia (ancien nom romain de la cité de Chellah), dont les restes d’une fontaine, un pan d’un arc de triomphe et une ancienne meule à grains restée quasiment intacte.
La nécropole mérinide, qui abrite notamment la sépulture du premier sultan mérinide Abu Youssef Yakoub, et la stèle en marbre blanc du sultan Abou El Hassan et celle de son épouse, est entourée d’une muraille percée d’une porte élégante.
Malgré l’apparence rustique de ce petit sanctuaire sobrement et discrètement aménagé au milieu d’un jardin fleuri, l’on est saisi, dès qu’on y met les pieds, par une sorte d’envoûtement devant la majesté et l’aura entourant, jusque dans la mort, les anciens maîtres des lieux qui y reposent.
Outre le cimetière mérinide, la partie islamique contient notamment une salle d’ablutions, une zaouïa (ancienne mosquée et école coranique) avec un oratoire et un minaret paré de zellige. Sans oublier le fameux bassin aux anguilles, qui aurait le don d’assurer la fertilité aux femmes selon la légende.
« Chaque fois que je visite cet endroit, j’ai l’impression que le temps s’arrête soudainement », avance Gabriel, un retraité canadien manifestement tombé sous le charme des lieux.
« C’est un site historique très bien entretenu. Il y a partout des inscriptions riches en renseignements historiques. Le cadre est aussi paisible et agréable. C’est l’un des lieux à ne pas rater à Rabat ! », assure-t-il.
Dans l’enceinte romaine, l’enfant d’un couple de touristes français semble n’avoir cure du charme des ruines qui trônent à ses pieds. Ayant faussé compagnie à ses parents, il s’extasie devant un nid de cigognes. Car l’espace de Chellah est également réputé pour ses colonies de cigognes, attraction majeure du site qui fait le bonheur des visiteurs étrangers tout particulièrement.
« C’est absolument fabuleux de voir toutes ces cigognes si loin de l’Alsace et d’entendre les claquements de leurs becs alors qu’on se ballade dans le jardin », s’émerveille Stéphanie qui a rejoint son enfant pour admirer les grands oiseaux qui veillent sur les ruines.
Sur les sentiers parfumés du jardin, on rencontre des familles, des couples, des groupes de touristes, des étudiants…Avec son paysage clos et enchanteur et son air rafraîchissant, ce havre de paix est l’endroit idéal pour profiter d’un moment de détente et de répit loin du train-train quotidien comme pour dévorer un livre ou finir un projet d’étude. Le droit d’entrée symbolique à ce coin du paradis (10 dirhams et accès gratuit les vendredis) et sa proximité du centre-ville font de lui un des sites tout indiqués pour les férus du tourisme culturel et naturel de passage à Rabat.
Au mois de septembre, l’espace est investi par le festival Jazz au Chellah. Pendant cinq jours, des artistes marocains et occidentaux se succèdent sur scène devant un public qui se laisse emporter par la magie du lieu, l’ambiance féérique et la musique languissante. Avec pour toile de fond les murailles mérinides et les vestiges romains, une nature pittoresque et un ciel limpide et étoilé, le décor est digne d’un conte des mille et une nuits !