Climat: opposition et écologistes tirent à boulets rouges sur le plan d’Ottawa
– Khadija Benhaddouch –
Montréal – Le plan pour la carnoneutralité 2050 dévoilé par le gouvernement du Premier ministre Justin Trudeau n’a pas tardé à faire l’objet de vives critiques au Canada, sur fond d’absence de cibles claires de réduction des émissions de gaz à effet de serre et de mécanismes de sanction en cas d’échec.
En présentant le projet de loi associé au plan fédéral, M. Trudeau s’est réjoui d’avoir tenu une promesse phare de sa campagne électorale.
«Chose promise, chose due», a-t-il lancé, en estimant que la Loi canadienne sur la responsabilité en matière de carboneutralité sera une étape fondamentale vers une relance durable et une économie compétitive à long terme.
Un avis loin d’être partagé par les partis de l’opposition, avec en premier lieu les conservateurs qui s’interrogent sur le sort des engagements en matière de réductions des émissions de gaz à effet de serre à l’horizon 2030 non encore tenus.
Le gouvernement fédéral, loin de tenir son engagement de réduire les émissions dans une perspective de dix ans se donne «de nouveaux objectifs plus élevés et à plus long terme », constatent-ils, tout en faisant remarquer que jusqu’à maintenant aucun arbre n’a été planté dans le cadre de la promesse électorale libérale de planter deux milliards d’arbres.
Qualifiant d’insuffisant le plan libéral, le Nouveau Parti démocratique (NPD) affirme vouloir «continuer de pousser les libéraux pour l’amender pour que nous ayons une cible dans cinq ans, pour que nous ayons une vraie reddition de compte».
Le plan fédéral n’est pas crédible, c’est un «écran de fumée », a lancé la cheffe du Parti vert, Annamie Paul, affirmant que sa formation n’appuiera pas ce projet de loi.
«Ce projet de loi laisse entendre qu’on agit alors qu’on n’agit pas du tout », a-t-elle ajouté. Elle reproche au gouvernement d’attendre, encore, avant de fixer une cible de réduction des gaz à effet de serre pour 2030.
En effet, le projet de loi fédéral prévoit la définition de cibles de réduction des émissions de gaz à effet de serre au Canada tous les cinq ans, à compter de 2030. Le ministère de l’environnement devra faire un rapport au parlement des progrès réalisés en la matière à chaque étape.
Selon le texte, le ministre de l’Environnement doit aussi présenter un plan de réduction d’émissions à effet de serre pour 2030 dans les six à neuf mois suivant l’entrée en vigueur de la loi-cadre. Il prévoit aussi la création d’un «organisme consultatif» composé d’experts qui conseilleront le ministre afin qu’il fixe les cibles.
Les environnementalistes , de leur côté, reprochent au projet de loi libéral le manque de mesures concrètes et contraignantes alors qu’aucun plan d’action n’est proposé avant six mois, ni de cible intérimaire en 2025.
«Le gouvernement doit travailler avec l’opposition pour bonifier ce projet de loi et y inclure une cible pour 2025, un objectif plus ambitieux pour 2030 et une obligation d’atteindre les cibles plutôt que de simplement se préparer à présenter des rapports qui témoigneront d’un nouvel échec», a réagi le responsable de la campagne Climat-Énergie chez Greenpeace Canada, Patrick Bonin.
Même son de cloche chez Caroline Brouillette, analyste des politiques au sein du Réseau action climat Canada (RACC), qui affirme que ce projet de loi doit stimuler l’ambition à court terme, plutôt que de simplement reporter tout le travail sur les changements climatiques dans des décennies.
«Nous devons y retrouver une référence forte à un jalon de 2025 ainsi qu’à une cible bonifiée de 2030, avec un plan pour y parvenir», a-t-elle plaidé.
La nouvelle loi, a-t-elle poursuivi, doit refléter l’engagement du gouvernement à mettre en œuvre un nouveau plan climatique pour répondre à un engagement plus ambitieux à l’Accord de Paris dans les six prochains mois.
Les écologistes s’accordent toutefois à reconnaitre que le projet de loi proposé par Ottawa sur la responsabilité en matière de carboneutralité est un grand pas dans la bonne direction.
«Il est significatif de voir que le gouvernement du Canada reconnaît désormais la nécessité d’une reddition de compte et d’une transparence accrue en matière de lutte contre les changements climatiques», a souligné le directeur des relations gouvernementales d’Équiterre.
Selon lui, cette avancée législative, réclamée depuis longtemps par les groupes environnementaux, devrait permettre de mieux encadrer le travail des gouvernements canadiens pour les années à venir jusqu’à l’atteinte de la carboneutralité en 2050 et de miser sur un outil supplémentaire pour affronter la crise climatique.