Mines: 4 questions au SG de l’ONHYM, Abdellah Moutaqui
Casablanca – Le Secrétaire général de l’Office National des Hydrocarbures et des Mines (ONHYM), Abdellah Moutaqui, a accordé un entretien à la MAP, dans lequel il aborde l’état des lieux du secteur minier au Maroc et la mise en œuvre du plan minier.
Il met également l’accent sur le développement de l’attractivité et la compétitivité du secteur minier et l’apport du modèle minier marocain pour le continent africain.
1- Quel est l’état des lieux du secteur minier au Maroc ?
Avec des impacts positifs à trois niveaux, national, régional et local, le secteur minier est un contributeur important dans le développement socio-économique du pays. Sa part dans le PIB est estimée à 10% et le nombre d’emplois directs est d’environ 40 000.
En termes d’exportations, le secteur contribue à hauteur de 80 % en volume et 20 % en valeur. La production dépasse 38 millions de tonnes, dont 35 millions de tonnes de phosphate et environ 3 millions de tonnes pour les autres produits (Argent, cobalt, plomb, zinc, cuivre, manganèse, barytine, bentonite, sel gemme, fluorine, fer, argiles, talc …).
Leader mondial dans le domaine des phosphates, le Maroc est premier producteur africain d’argent et de barytine, et occupe le troisième rang pour la fluorine et le cobalt sur le continent.
Les principales mines actuellement en production, toutes découvertes par l’ONHYM et mises en exploitation dans le cadre de partenariat public- privé se trouvent dans l’Anti-Atlas (Zgounder (argent), Bou Azzer (cobalt), Imini et Tiouine (manganèse), Imiter (argent), Oumejrane (cuivre) ; dans la région des Jebilets- Guemassa (gisements polymétalliques de Hajar, Draa Sfar, Koudiat Aicha) ; dans le Maroc central (El Hammam (fluorine), Tighza (plomb) ; au niveau des Hauts plateaux et du Haut Atlas oriental (Jbel Mehdi (calcite), Guenfouda (argiles réfractaires), Zelmou (barytine) et dans les bassins du Nord (Tizza (bentonite).
De nombreux projets, également cédés par l’ONHYM à des entreprises privées, font l’objet de développement avant leur mise exploitation. Il s’agit de la province de cuivre de Tizert, l’or de Jbel Malek, l’étain d’achemmach, le talc de Nkob, le polymétallique de Khwadra, la silice de Dar Chaoui, la magnésite de Boudkek…
2- La mise en œuvre du plan minier du Maroc devrait dynamiser le secteur à partir de l’année prochaine. Quelles actions envisagez-vous dans ce sens ?
En se concentrant sur les zones les plus potentielles et en diversifiant les thèmes de recherches, l’ONHYM va maintenir sa dynamique pour continuer à jouer pleinement son rôle de catalyseur du développement minier national et démultiplier les investissements en attirant de nouveaux partenaires.
Afin de continuer à alimenter son portefeuille des projets, l’ONHYM va poursuivre la réalisation des campagnes sur de larges superficies, en faisant appel à de la géophysique aéroportée, la télédétection- hyperspectral et la géochimie.
Pour la recherche tactique, il s’agira de développer au niveau des Provinces du Sud les gisements de terres rares, niobium, tantale, molybdène et or de Twihinate et Lamlaga ; d’or-cuivre de Chenna ; d’or d’Alwarma ; de terres rares, niobium, tantale, fer et uranium de Glibat Lafhouda, de Drag Al Farnan et de Lahjeyra.
Dans l’Anti-Atlas, les travaux vont concerner les minéralisations argentifères de Myal, aurifères d’Imjgagn – Tiouri, cupro-aurifères de Bouskour – Ait Youl et aurifère d’Afoud.
Les travaux intéresseront également la région polymétallique des Jebilet- Guemmassa en partenariat avec Managem ainsi que le Maroc oriental pour le développement des minéralisations plombo-zincifères de type MVT et cuprifères de type sédimentaire respectivement au niveau des prospects de Tiouli Ouest (Zn-Pb) et Merija (Cu).
L’ONHYM va aussi se positionner sur la zone Cadetaf, récemment ouverte à l’investissement privé. Pour les substances stratégiques et projets spéciaux, les travaux seront poursuivis pour évaluer le potentiel du Maroc en lithium, magnésite, potasse, bore, géothermie, hydrogène naturel, CO2 et lancer la recherche de l’hélium.
En termes de promotion et de partenariat, l’ONHYM va poursuivre le développement des projets en partenariat avec le secteur privé, continuer son effort de promotion afin d’attirer de nouveaux opérateurs et œuvrer pour la démultiplication des sources de financement avec notamment la concrétisation de la mise en place du Fonds minier public-privé, qu’il sponsorise.
3- Comment développer l’attractivité et la compétitivité du secteur minier au Maroc ?
En raison de la longue tradition minière de notre pays, le secteur minier se trouve aujourd’hui confronté à la recherche de gisements cachés et de plus en plus profonds, ce qui nécessite l’utilisation de technologies sophistiquées et des investissements de plus en plus importants. Le développement de l’attractivité de notre secteur minier doit donc tenir compte de tous ces aspects.
Les facteurs qui sont généralement mis en avant pour augmenter l’attractivité du secteur minier sont liés d’abord à la stabilité du pays et à la disponibilité d’une bonne infrastructure, deux points forts pour notre pays sous la conduite éclairée de SM le Roi Que Dieu L’Assiste.
Ensuite un cadre réglementaire stable et incitatif. A cet effet, la Loi 33-13 sur les mines, promulguée en 2015, a apporté de nouvelles dispositions favorables comme l’extension du champ d’application à toutes les substances minérales, l’introduction de l’autorisation de l’exploration de grandes superficies, l’octroi de licence d’exploitation pour une période de dix ans renouvelable jusqu’à épuisement des réserves, l’extension du titre minier à tous les produits de mines, l’institution de l’autorisation d’exploitation des haldes et des terrils, l’extension du champ d’application de la législation minière aux zones maritimes, l’introduction des dispositions relatives aux cavités naturelles ou artificielles et de nouvelles mesures pour la gestion de l’environnement.
Comme l’a souvent souligné la Fédération de l’Industrie Minérale, un effort devrait être fait pour disposer d’une fiscalité incitative.
Enfin, la disponibilité d’une infrastructure géologique et scientifique de bonne qualité et accessible. A ce propos, il est important de souligner que les zones les plus prometteuses pour le développement minier ont bénéficié, dans le cadre du plan national de cartographie géologique, d’une bonne couverture en cartographie géologique et géophysique.
La mise en valeur convergente de l’ensemble de ces aspects passe par la poursuite de la dynamique de promotion auprès de l’industrie minière internationale, la généralisation de la digitalisation du secteur et la simplification des procédures.
4- Que peut apporter le modèle minier marocain pour le continent africain ?
Le développement minier est un champ de partenariat et de partage d’expertise et d’expérience par excellence. Au Maroc, le secteur minier sous sa forme moderne vient de fêter un siècle d’histoire. La maturité du modèle marocain, par rapport à ceux de nombreux pays du continent, se matérialise par une stabilité au niveau réglementaire, avec séparation des rôles entre l’Etat et le secteur privé, une dynamique d’exploitation liée à une exploration active, la disponibilité d’une expertise nationale sur les volets régulation et technique, la transformation du potentiel et l’organisation en filières, la maitrise de la performance environnementale, du contenu local et de l’acceptabilité sociale.
Les opérateurs miniers marocains sont très engagés dans le partenariat sud-sud conformément aux orientations éclairées de SM le Roi Mohammed VI. Ainsi, l’ONHYM assure le renforcement de capacités pour le personnel des institutions au niveau de treize pays, l’OCP SA soutient de manière intégrée l’agriculture africaine dans 16 pays.
En plus de ces programmes, le modèle minier marocain pourrait servir, dans un processus de partage d’expertise mutuel, d’exemple pour une bonne identification des acteurs et partage des rôles entre Etat, fédérations, secteur privé et société civile ; une meilleure organisation des chaines de valeurs ; le renforcement des institutions de gouvernance sur le plan de la régulation et du suivi technique ; le développement d’un capital humain minier national et la maitrise de la triple performance économique, sociale et environnementale, propre au concept de développement durable.