Migration des papillons monarques vers le Mexique: l’impressionnant périple à l’épreuve des aléas climatiques
Aimad OUHAKKI
Mexico – Immobile et concentré, Gustavo González ajuste lentement son appareil photo pour tenter d’immortaliser le regroupement de papillons monarques au milieu des arbres de l’une des réserves naturelles de San Felipe del Progreso, dans l’État mexicain de Michoacan (centre-ouest).
González est un habitué de cette vaste réserve où hibernent des millions de papillons monarques. Il y travaille comme photographe indépendant depuis plus de six ans.
Ce trentenaire passe entre sept et huit heures par jour à scruter les mouvements des papillons monarques et fait office de guide improvisé pour les visiteurs avides d’informations sur ce phénomène unique au monde.
A l’instar de González, les revenus de milliers d’indigènes le long de cette réserve sont liés à la migration annuelle spectaculaire des papillons monarques vers les sites d’hivernage au Mexique. En effet, ce pèlerinage annuel est une source de revenus pour de nombreux ménages, en particulier ceux qui travaillent dans les secteurs de l’artisanat, la photographie et la vente de souvenirs ainsi que les services d’hébergement et de restauration.
Périple unique et source inestimable de revenus
La migration annuelle des papillons monarques du continent nord-américain vers les forêts chaudes et couvertes de sapin du Mexique est un phénomène naturel unique au monde. Cette espèce, largement connue dans les Amériques, effectue un voyage extraordinaire de huit mois en traversant 5.000 kilomètres.
Le papillon monarque vit principalement en Amérique du Nord, où des groupes à l’est des montagnes Rocheuses migrent vers les forêts du Mexique à partir du mois d’août de chaque année, avant de revenir en mars avec le début du printemps.
La Réserve des papillons monarques, où travaillent González et d’autres habitants de la région, s’étend sur une superficie de 52.000 hectares au milieu des montagnes de l’État du Michoacán (à environ 100 km au nord-ouest de la ville de Mexico).
En plus d’être une réserve naturelle et d’abriter de nombreuses espèces de plantes et d’animaux, cet espace représente une source de revenus pour les quelque 27.000 travailleurs dans les secteurs de l’artisanat, l’agriculture et le tourisme, selon les chiffres officiels.
L’activité annuelle associée à cette migration débute généralement en octobre, atteint son apogée entre décembre et février avec la période de reproduction des papillons monarques dans les réserves, pour se terminer fin mars ou début avril.
De son côté, Gonzalo, originaire de la région, confie à la MAP, que le nombre de papillons monarques diminue de manière alarmante chaque année, notamment en raison du climat de plus en plus instable au Mexique.
Pour lui, les papillons monarques font partie de l’histoire locale, de la mémoire collective et de la vision cosmopolite des peuples autochtones du Mexique.
Le défi du changement climatique
Les papillons monarques se distinguent par leur caractéristique biologique qui leur permet de résister aux aléas climatiques, que ce soit dans leur habitat d’origine ou lors de leur longue migration annuelle.
Au sein de son environnement naturel, le papillon monarque dépend de l’asclépiade pour survivre, car cette plante est essentielle à son cycle de vie. Pour ces insectes, qui y pondent leurs œufs, elle constitue la seule source de nourriture pour les chenilles, en plus d’être une défense naturelle contre les prédateurs.
Les papillons monarques, dont la taille oscille entre 9 et 10 centimètres, se distinguent par de subtiles différences entre les mâles, plus grands avec des taches noires sur les ailes, et les femelles avec des marques noires et une couleur orange plus marquée. Ces papillons ont la capacité de parcourir de longues distances.
Le cycle de vie de ces insectes comprend quatre générations, à commencer par la première génération, qui éclot dans le sud des États-Unis en avril, avant de migrer vers le nord au printemps et de pondre dans les parties centrale et orientale du continent en mai, jusqu’à la quatrième génération, connue sous le nom de Mathusalem, qui commence à migrer vers le sud en août, où elle hiberne et forme des groupes sur les arbres pour résister au froid et se reproduire.
Du fait que le mouvement et la reproduction des papillons monarques sont liés à la position du soleil et aux champs magnétiques terrestres, la migration annuelle est de plus en plus menacée à cause des effets du changement climatique. Plusieurs études récentes indiquent que le nombre de cette population a diminué de plus de 70% depuis les années 1980, notamment en raison du déclin des types de couverture forestière où elle se reproduit et se réfugie du froid, de l’utilisation accrue d’herbicides et de l’exploitation forestière illégale, ainsi que du réchauffement climatique qui affecte les processus biologiques tels que la période de reproduction et la migration.
Selon plusieurs recherches, de nombreux phénomènes météorologiques extrêmes affectent négativement leurs habitats hivernaux, et donc leur reproduction et leur survie.
Plusieurs études réalisées par le département de l’Environnement de l’Université Nationale Autonome du Mexique ont mis en garde contre l’arrêt potentiel de la migration du papillon monarque d’ici 2090 en raison de conditions de plus en plus hostiles à sa reproduction.
Face à ces risques, des groupes environnementaux ont proposé une « migration assistée », une technique basée sur l’établissement de populations d’espèces végétales hors de leur aire de répartition naturelle en prévision de changements climatiques qui pourraient menacer le maintien des papillons monarques dans leur habitat d’origine.