ActualitésChangement climatique/ Afrique : Trois questions à Abdallah Mokssit, Secrétaire du GIEC

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10 Sep

Changement climatique/ Afrique : Trois questions à Abdallah Mokssit, Secrétaire du GIEC

Propos recueillis par Taoufik ELBOUCHTAOUI

Saïdia- En marge de sa participation au Forum des régions d’Afrique (FORAF), tenu à Saïdia, le secrétaire du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC), Abdallah Mokssit, s’est livré au jeu des questions réponses avec la MAP.

Cet expert international a évoqué les nombreuses menaces climatiques qui pèsent sur le continent africain, tout en proposant quelques pistes pour aider l’Afrique à lutter contre les changements climatiques.

01- Quelles sont les principales conséquences du changement climatique sur l’Afrique?

R: Le sixième rapport du GIEC de 2021 a tiré la sonnette d’alarme sur les dérèglements à grande échelle occasionnés par le réchauffement. En Afrique, le rapport a fait état d’une hausse des températures moyennes et extrêmes, qui sont attribuables aux changements climatiques d’origine humaine, ainsi que des vagues de chaleur marine avec une probabilité multipliée par deux. Les sécheresses multidécennales sont devenues, quant à elles, plus fréquentes en Afrique de l’Ouest. En effet, l’Afrique subit déjà des pertes et des dommages de grande ampleur que l’on peut attribuer au changement climatique causé par les activités humaines. Cela inclut le recul de la production alimentaire, le ralentissement de l’activité économique, l’appauvrissement de la biodiversité, la hausse de la morbidité et de la mortalité humaines, en sus des migrations liées aux climat.

Le réchauffement climatique accentue également la dissémination des maladies infectieuses.

Il y a lieu de mentionner une progression vers les hauteurs des moustiques anophèles et une incidence accrue du paludisme en Afrique de l’Est, outre les épidémies de choléra, surtout après les cyclones tropicaux. En Afrique du Sud, il a été constaté que 43,8 % de la mortalité associée à la chaleur, entre 1991 et 2018, est imputable au changement climatique.

De même, on a relevé une insuffisance pondérale de 5,9 millions d’enfants supplémentaires provoquée par la chaleur dans 51 pays touchés par El Niño en 2015-2016.

A cela s’ajoutent les dommages aux établissements de soins et la détérioration des services de santé.

02-  Existe-t-il des facteurs d’accélération de la vulnérabilité aux changements climatiques en Afrique?

R: Quand on pense à l’Afrique, le premier mot qui nous vient à l’esprit est la vulnérabilité qui s’est malheureusement exacerbée à cause d’une urbanisation grandissante dans les régions côtières de faible altitude, dans les plaines inondables et sur les terres arides.

Un autre élément d’aggravation de la vulnérabilité est la hausse de la population dans les zones d’habitations informelles.

Il s’agit également des logements bon marché qui restent fragiles aux tempêtes et qui, bien entendu, amplifient la chaleur interne.

03- Quels types de développement sont à même de favoriser la résilience au changement climatique en Afrique?

Le premier point à mettre en évidence consiste à financer le savoir, la recherche et l’encadrement. Force est de constater que seulement 3,8 % des fonds de recherche mondiaux sont consacrés à l’Afrique, dont seul 1 % est allé aux institutions africaines.

De même, il convient de soutenir le flux de données, notamment les données régulières des stations météorologiques, les données sur l’agriculture et les données de recensement.

Par ailleurs, il faudrait étendre l’éducation climatique car seulement 23 à 66 % de la population a entendu parler du changement climatique, connaît ses causes et ses conséquences. Le rapport du CIEG préconise aussi le renforcement des capacités à la faveur d’une collaboration entre les dirigeants locaux et les chercheurs.

Le renforcement de la résilience face aux changements climatiques passe également par une gouvernance inclusive, locale, équitable et intégrée, et une coopération transfrontalière dans ce domaine.

En outre, les pays africains sont appelés à favoriser un cadre législatif susceptible de promouvoir la concertation au sein des pouvoirs publics, d’ancrer les politiques climatiques et de soutenir les flux de financement climatique.

Enfin, l’adaptation basée sur les écosystèmes et les approches trans-sectorielles jouent également un rôle important en ce sens qu’elles optimisent les co-bénéfices et évitent la mal-adaptation tout en favorisant une gestion intégrée et trans-sectorielle des risques.

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