Cinq questions au Président du Congrès horticole panafricain, Dr Abdelhaq Hanafi
Propos recueillis par Imane BROUGI
Rabat- Marrakech abritera, du 26 février au 1er mars, le Congrès horticole panafricain, le premier de son genre en Afrique du Nord, qui promet d’ores et déjà de porter haut et loin l’aura et l’odorat d’un secteur en pleine expansion.
Dans cette interview à la MAP, le président du Congrès horticole panafricain, Dr Abdelhaq Hanafi, apporte un éclairage sur l’horticulture au Maroc et en Afrique, en braquant les projecteurs sur les défis et les opportunités du secteur pour une agriculture résiliente, durable, responsable et inclusive.
.- 1- Que représente pour vous l’organisation au Maroc de ce congrès horticole africain ?
Le Maroc a été choisi pour accueillir à Marrakech le 5ème Congrès Panafricain d’Horticulture (AAHC), la première fois que cet événement phare du calendrier horticole africain se déroule en Afrique du Nord.
Cette manifestation d’envergure, organisée par l’Université Mohammed VI Polytechnique (UM6P) sous l’égide de l’ISHS (International society for horticultural science), témoigne du rôle leader que joue le Royaume à l’échelle, aussi bien régionale qu’internationale, dans le domaine horticole.
Il faut savoir que le secteur agricole au Maroc contribue largement au PIB national et emploie une partie importante de la population active. De même, la diversité des régions agro-climatiques du Royaume et ses produits agricoles extensifs lui permettent de produire une grande variété de produits agricoles en général et horticoles en particulier.
Ses nombreuses stratégies et initiatives adoptées dans le secteur horticole témoignent de l’engagement du Royaume à faire de l’agriculture une priorité absolue pour le développement socio-économique du pays. Sans oublier les multiples actions et contributions du Maroc en faveur du développement de ce secteur en Afrique.
Concernant la spécificité de cette édition, initiée sous le signe « libérer le potentiel d’une horticulture résiliente en Afrique », elle vise à discuter et à promouvoir le vaste potentiel de l’horticulture africaine dans le contexte des défis régionaux et mondiaux, tels que les changements climatiques, les nouveaux stress biotiques, les pénuries d’eau pour l’irrigation et le stress hydrique.
Le Congrès vise à fournir une plate-forme permettant aux professionnels de partager leurs recherches, leurs expériences et leurs innovations. Il favorise également le réseautage, le partage de connaissances et l’élaboration de stratégies visant à améliorer la résilience et la durabilité du secteur, ainsi que la conclusion de partenariats internationaux en la matière.
2- Quel bilan pouvez-vous établir sur l’état des lieux du secteur horticole en Afrique en général et au Maroc en particulier ?
La diversité du climat en Afrique permet un large éventail de cultures horticoles, notamment des fruits, des légumes, des fleurs et des plantes médicinales. Il s’agit aussi d’un secteur économique vital pour de nombreux pays africains, contribuant au PIB et à l’emploi. Mais en dépit de son importance, ce domaine demeure confronté à plusieurs défis, notamment le changement climatique, la pénurie d’eau et les ravageurs et les maladies, ainsi que l’accès limité à la technologie et aux marchés.
Cependant, il existe un potentiel de croissance et de développement important dans le secteur, notamment en termes d’approvisionnement des marchés locaux et d’exportation. Pour cela, des efforts sont déployés pour promouvoir des pratiques horticoles durables, respectueuses de l’environnement et économiquement viables.
Sur le plan national, outre sa contribution significative à l’économie, le secteur profite des climats variés du Maroc permettant la production d’une large gamme de produits, comme les fruits, les légumes, les fleurs et plantes aromatiques, dont une partie importante de la production horticole du Maroc est orientée vers le marché international, notamment vers l’Europe et l’Amérique du Nord, faisant du Royaume un acteur clé et un exportateur majeur.
Dans ce secteur, le Maroc a fait des progrès notables, en intégrant des technologies agricoles modernes, tels que les serres et les systèmes d’irrigation, pour augmenter la productivité, profitant du soutien du gouvernement à travers les différentes stratégies mises en œuvre, notamment le Plan Maroc vert, pour soutenir et développer le secteur agricole, y compris l’horticulture.
A l’instar du contexte africain en général, le Maroc est confronté à de nombreux défis, mais il dispose également d’opportunités de croissance et de développement très importantes.
Le secteur horticole en Afrique et au Maroc présente un potentiel de croissance prometteur, le Maroc étant un exemple de premier plan dans la région pour ses progrès et sa production orientée vers l’exportation.
3- Comment l’horticulture peut-elle contribuer à assurer la sécurité alimentaire dans le continent africain ?
Le secteur horticole peut contribuer de manière significative à la sécurité alimentaire en Afrique par divers moyens :
– Diversification des cultures : l’horticulture implique la culture d’une grande variété de fruits, de légumes et d’herbes, ce qui contribue à une alimentation diversifiée.
– Valeur nutritionnelle améliorée : les cultures horticoles ont généralement une valeur nutritionnelle élevée. Augmenter leur disponibilité et leur consommation peut lutter contre la malnutrition et les carences en micronutriments courants dans de nombreux pays africains.
– Production toute l’année : de nombreuses cultures horticoles peuvent être cultivées toute l’année, offrant un approvisionnement constant en nourriture. Ceci est particulièrement important dans les régions où les saisons sèches et pluvieuses sont distinctes.
– Génération de revenus : l’horticulture offre des opportunités économiques aux agriculteurs, y compris aux petits exploitants et aux femmes.
– Chaînes d’approvisionnement courtes : les produits horticoles ont souvent des chaînes d’approvisionnement plus courtes, ce qui peut réduire les pertes après récolte et garantir que des produits plus frais parviennent aux consommateurs.
– Adaptabilité au changement climatique : les cultures horticoles, en particulier les variétés indigènes, peuvent être plus adaptables aux changements climatiques et aux conditions météorologiques variables, garantissant ainsi un approvisionnement alimentaire plus résilient.
– Agriculture urbaine : l’horticulture est bien adaptée aux environnements urbains et périurbains, ce qui contribue à rapprocher la production alimentaire des consommateurs urbains, réduisant ainsi les déserts alimentaires dans les villes.
4- Quels sont les défis que l’horticulture est appelée à relever dans un contexte marqué notamment par les effets des changements climatiques ?
La production horticole en Afrique est confrontée à plusieurs défis dans le contexte des changements climatiques actuels et futurs :
– Pénurie d’eau : L’horticulture est gourmande en eau et la disponibilité réduite de l’eau pose un véritable défi pour l’irrigation.
– Températures extrêmes : L’augmentation des températures peut stresser les plantes, en particulier celles qui ne sont pas adaptées à la chaleur élevée. Cela peut réduire les rendements et affecter la qualité des produits.
– Modèles de précipitations irréguliers : des modèles de précipitations imprévisibles, notamment des sécheresses prolongées ou de fortes pluies inhabituelles pour la saison, perturbent les calendriers de plantation et de récolte et peuvent entraîner de mauvaises récoltes.
– Ravageurs et maladies : le changement climatique modifie la répartition et le cycle de vie des ravageurs et des maladies, conduisant potentiellement à des infestations plus fréquentes et plus graves pouvant dévaster les cultures horticoles.
– Dégradation des sols : les changements climatiques peuvent entraîner une érosion des sols, une perte de fertilité des sols et une augmentation de la salinité, ce qui a tous un impact négatif sur les rendements des cultures.
– Accès limité aux technologies adaptatives : de nombreux petits agriculteurs africains n’ont pas accès aux technologies et aux pratiques qui pourraient les aider à s’adapter aux conditions climatiques changeantes, telles que les variétés de cultures résistantes à la sécheresse, les systèmes d’irrigation efficaces et la lutte intégrée contre les ravageurs.
Relever ces défis nécessite une approche à multi-facettes, notamment en investissant dans la recherche et le développement, en fournissant des formations et des ressources aux agriculteurs, en améliorant les infrastructures et en élaborant des politiques qui soutiennent la résilience climatique dans l’horticulture.
5- Dans un monde en perpétuelle mutation sur le plan technologique, comment la digitalisation et l’innovation peuvent-elles contribuer à l’émergence d’une horticulture résiliente en Afrique?
La numérisation et l’innovation jouent un rôle crucial dans le développement d’une horticulture résiliente en Afrique. Des technologies telles que l’agriculture de précision, les variétés de cultures résistantes au climat, la technologie mobile, les technologies d’irrigation, la gestion de la chaîne d’approvisionnement, l’analyse des données et la technologie financière peuvent améliorer considérablement la productivité et la durabilité du secteur.
L’intégration de ces technologies nécessite des politiques de soutien, le développement des infrastructures, le renforcement des capacités et des investissements. Cependant, les gains potentiels en termes d’augmentation de la productivité, d’accès au marché et de résilience au changement climatique rendent la numérisation et l’innovation cruciales pour l’avenir de l’horticulture en Afrique.