ActualitésFace à la problématique de l’ensablement, Essaouira poursuit sa lutte acharnée

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28 Oct

Face à la problématique de l’ensablement, Essaouira poursuit sa lutte acharnée

Par : Samir LOTFY

Essaouira- Très réputée par sa diversité paysagère et sa biodiversité riche et si singulière, entre un littoral long de 150 km et un couvert forestier parmi les plus importants à l’échelle nationale, Essaouira continue pourtant sa lutte acharnée contre un phénomène écologique de plus en plus pesant : l’ensablement.

Certes, ce phénomène qui apparait au niveau de la Cité des Alizés, à travers l’émergence de dunes de sable mouvantes situées plus précisément au niveau de la plage dite de « Safi » à quelque mètres seulement de l’ancienne zone industrielle, ne date pas d’aujourd’hui, mais remontait à de longues années.

Derrière un tel phénomène dont les conséquences pourraient être « lourdes » à l’avenir, figurent plusieurs facteurs majeurs, dont les bouleversements climatiques, mais aussi la déforestation abusive avec la destruction massive de la ceinture verte jouxtant la ville et qui constitue une « barrière naturelle » protégeant la ville contre la désertification ou encore l’érosion éolienne des sols.

Si la problématique de l’ensablement se pose, avec acuité, pour ce qui est d’Essaouira, derrière ce constat figurent également les alizés (vents) qui soufflent tout au long de l’année sur cette cité balnéaire, engendrant ainsi une déstabilisation des dunes de sable et une infiltration du sable même à l’intérieur de plusieurs quartiers, à l’instar de Sqala et de Jrifate pour s’étendre vers les zones situés au sud d’Essaouira.

En effet, depuis son édification par le Sultan Sidi Mohammed Ben Abdellah en 1760, « Mogador » subissait une forte fréquence de vent, outre le phénomène de l’érosion, ayant eu pour effet d’agir directement sur la forêt qui protégeait les alentours de cette cité contre la désertification notamment, en raison d’un mouvement régulier des sables maritimes déplacés par le vent du nord pour atteindre l’autre bout de la ville.

Ceci dit, et afin de faire face à ce phénomène écologique, des efforts inlassables ont été déployés depuis plus d’une centaine d’années, à travers la mobilisation d’un important dispositif humain et logistique avec comme objectif de procéder à un reboisement du domaine forestier, de manière à réussir une fixation des dunes sur plusieurs hectares.

Un travail colossal qui était réalisé, mais dans l’impact reste en deçà des aspirations en raison de certaines pratiques irresponsables auxquelles se livrent certains riverains, ayant pour effet direct de fragiliser les structures dunaires fixées et une destruction du couvert forestier.

Selon la direction régionale des Eaux et Forêts et de la lutte contre la Désertification du Haut Atlas, « la problématique de l’ensablement se manifeste au niveau des territoires forestiers relevant du Haut Atlas occidental surtout au niveau de la zone d’Essaouira », notant que la progression du sable engendre « une réduction des superficies cultivables, menace les infrastructures, les axes routiers, avec même l’obstruction des réseaux d’irrigation, ce qui n’est pas sans impacter lourdement le bon fonctionnement des cours d’eau ».

Et de poursuivre que « l’érosion éolienne est en partie responsable de ce phénomène qui entraine une grande mobilité des dépôts de sable, menaçant de plus en plus l’ensemble des agglomérations et des infrastructures économiques, avec détérioration des aspects paysagers de la zone et autres ».

Pour endiguer ce phénomène récurrent, le Département des Eaux et Forêt met en œuvre son programme de lutte contre l’ensablement pour la stabilisation des dunes existantes et entraver l’avancée du sable.

En chiffres, au niveau de la province d’Essaouira, la fixation dunaire au niveau continentale et littorale, réalisée par la Direction Régionale des Eaux et Forêts du Haut Atlas, a concerné jusque-là, plus de 8.000 hectares. Une végétalisation qui a largement contribué au rééquilibrage de l’écosystème, tout en permettant la réhabilitation naturelle du Genévrier rouge.

« Outre la fixation dunaire, la direction entreprend, de manière continue, les programmes d’entretien et de consolidation dunaire sur 300 hectares, avec une cadence qui est passée de la fixation de 50 ha à 100 ha/an », précise la même source.

Et de poursuivre que « cette consolidation hybride (mécanique et biologique) prend en compte la nature du sol, le climat et le type de végétation. L’objectif, a-t-on expliqué, est de contribuer à la lutte contre l’érosion éolienne des sols et à l’aridification des terres, de manière à conserver et à assurer la réhabilitation des ressources naturelles et à mieux lutter contre la désertification dans la zone.

Approché par la MAP, M. Lemdarsaoui El Mehdi, ingénieur d’Etat, chef du Centre de Conservation et de Développement des Ressources forestières d’Essaouira, a donné un aperçu sur l’histoire de la création des dunes d’Essaouira qui s’étendent sur une superficie de 11.500 ha.

Et de poursuivre : « Après la création de la ville de Mogador au 17è siècle, il y’avait eu une exploitation anarchique des arbres de « genévrier rouge » formant la forêt de la ville. A cela, s’ajoute l’aridité du climat, la rareté des précipitations outre, le vent assez particulier d’Essaouira qui souffle presque 300 jours par an ».

Face à ce fléau écologique, les services des Eaux et Forêts ont entamé depuis 1914 les travaux de fixation des dunes. Un effort inlassable qui se poursuit jusqu’à nos jours et qui a permis la fixation de 11.500 ha de dunes, ainsi que la régénération et la réapparition de 4000 ha de forêt de genévrier rouge, s’est-il félicité.

Et M. Lemdarsaoui d’enchainer qu’actuellement, la direction provinciale des Eaux et Forêts d’Essaouira entame un programme de fixation des dunes de sable avec une cadence de 100 ha par an (une année au niveau de la partie nord et une année dans la partie sud de la ville).

Quant à la technique de fixation des dunes, elle est scindée en deux étapes principales à savoir : une fixation mécanique qui consiste à confectionner le cordon littoral qui est une barrière physique qu’on assoit au sommet de la dune afin de tarir la source de sédimentation pour diminuer la vitesse du vent, a-t-il expliqué.

Après la mise en place du cordon littoral, on procède à la fixation mécanique des dunes qui consiste en l’apport de près de 30 tonnes par hectare de branchage, directement en provenance de la forêt située à côté, a fait savoir M. Lemdarsaoui, tout en précisant que ce branchage provient des travaux de sylvicole (dépressage) du genévrier rouge.

« Après la fixation mécanique on passe, par la suite, à la fixation biologique qui est une action complémentaire et qui consiste, après les premières pluies, à la plantation d’espèces d’arbres dont des acacias, l’eucalyptus, le lesiëm et le tamaris, qui affichent une capacité élevée d’adaptation aux conditions climatiques et édaphiques présentes dans la zone (salinité, en drains marins, vent dominant qui souffle à des vitesses dépassant les 100 km/h et la fragilité du sol) », a-t-il fait savoir.

Généralement, on veille sur l’exécution d’une densité de 1.000 plants à l’hectare, a-t-il relevé, se félicitant, en guise de conclusion, de tout l’effort qui se fait en vue d’atténuer les effets de ce phénomène.

In fine, la problématique de l’ensablement, au-delà, de sa portée écologique et naturelle, liée à des phénomène multiples et complexes, requiert une mobilisation collective notamment, à travers une conscientisation et sensibilisation permanentes des citoyens sur l’impératif de s’inscrire en droite ligne des efforts colossaux déployés par les services concernés en l’occurrence ceux des Eaux et Forêts.

Une mobilisation qui passe, avant tout, par l’adoption de comportements responsables à travers, entre autres, l’abstention de la pratique d’activités illégales dans les aires protégées et les sites d’intérêt écologique, le respect de la biodiversité, et la préservation des forêts et des ceintures vertes, « barrières naturelles » contre la désertification et l’érosion des sols.

Bref, le respect de l’environnement s’impose, désormais, comme impératif majeur dicté pour le souci d’une préservation durable de ce legs naturel pour les générations montantes.

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