Incendies de forêt : Trois questions à l’expert en environnement et développement durable, Said Chakri
Tanger – L’expert en environnement, développement durable et changement climatique, Said Chakri, évoque, dans une interview accordée à la MAP, les causes du déclenchement des incendies dans plusieurs forêts de la région Tanger-Tétouan-Al Hoceima, leur impact sur l’équilibre environnemental, et comment les prévenir dans les années à venir.
1- De votre point de vue, quelles sont les causes du déclenchement de ces incendies déclarés dans plusieurs forêts de la région Tanger-Tétouan-Al Hoceima ?
Je pense que les causes de ces feux de forêt peuvent être classées en deux catégories: les causes naturelles qui sont en fait rares et représentent moins de 5% des causes des incendies, et celles humaines liées au comportement irresponsable des humains, à l’indifférence ou la méconnaissance des dangers de certaines pratiques.
Parmi les causes d’origine humaine, on peut citer la mauvaise élimination des mégots de cigarettes, l’allumage de feux dans les forêts pour cuisiner des repas, ou le brûlage du couvert forestier pour exploitation agricole.
Concernant la propagation et l’intensité des incendies déclarés dans la région, je pense que les pluies tardives qui sont tombées au cours des mois de mars et d’avril ont entraîné la croissance de l’herbe épaisse, tandis que les températures élevées enregistrées dans toutes les régions du Royaume, en particulier dans celle du Nord, durant le mois de juin et le début de juillet, ont provoqué le dessèchement des herbes, qui sont devenus très inflammables, et donc toute petite étincelle peut déclencher un grand incendie.
Je pense également que les vents forts qui ont soufflé dans la région ont compliqué la tâche des équipes d’intervention, puisque les opérations d’intervention sont menées selon une stratégie de terrain bien étudiée, alors que ces vent contribuent à accélérer la propagation des flammes.
Mais le déclenchement de cinq incendies distincts à des moments quasi simultanés nous interpelle avec acuité, et l’on est en droit de se demander s’il s’agit d’une situation normale? Une enquête doit être ouverte à ce sujet pour déterminer les causes de chacun de ces incendies.
J’estime que le changement climatique est devenu une réalité, et l’augmentation de la température est l’une de ses conséquences.
Ainsi, je pense que les causes du déclenchement des incendies peuvent se poursuivre dans les années à venir, d’où la nécessité d’accorder une attention particulière à cette question et de prendre des mesures proactives dans toutes les zones exposées aux risques d’incendies de forêt, selon une stratégie claire avec la mobilisation des moyens nécessaires.
2- Ces incendies affecteront-ils l’équilibre environnemental de la région?
La première chose qui vient à l’esprit en parlant des incendies de forêt, ce sont les arbres, mais il faut penser à tout l’écosystème forestier, où il existe des communautés biologiquement intégrées d’animaux, de plantes et de micro-organismes formant la biocénose, et qui joue un rôle de premier plan dans la purification de l’air et la lutte contre le réchauffement climatique.
La forêt joue également des rôles sociaux et économiques, puisqu’elle constitue une source de subsistance pour les ruraux, en leur offrant des espaces de pâturage pour nourrir le bétail, et de production de miel et de plantes aromatiques et médicinales.
En perdant la forêt, on perd aussi cet équilibre environnemental et social.
La pire conséquence des incendies de forêt est la destruction du couvert forestier qui met des décennies, voire des siècles, à se rétablir complètement. L’écosystème forestier a besoin de plusieurs années pour se constituer, et un incendie peut détruire, en peu de temps, ce qui a été construit pendant des années.
3- En termes de responsabilité collective, comment on peut contribuer à préserver cette richesse nationale ?
Tout citoyen est responsable de la préservation de la forêt, que ce soit celui qui habite à côté ou qui est en contact permanent avec la nature, mais également le citoyen chargé d’édicter les lois qui protègent les forêts, le citoyen ingénieur et technicien chargé de sa préservation et sa mise à niveau, et le responsable qui met en place les politiques publiques de la forêt.
Le citoyen, quelle que soit sa position ou sa responsabilité, doit contribuer à la préservation de cette richesse. Nous devons sensibiliser les citoyens à l’importance d’une interaction positive avec les forêts et mettre en avant leurs rôles et services.
Le simple citoyen doit informer rapidement les autorités de tout incendie de forêt déclenché ou se porter volontaire pour l’éteindre, et le responsable doit promulguer des législations pour préserver les forêts.
Nous pouvons éviter la perte de milliers d’hectares par an, grâce à la fédération des efforts de tous.
Chacun doit prendre en considération les nouvelles orientations dans lesquelles le Maroc s’est inscrit, dans le cadre du nouveau modèle de développement et des accords internationaux.
Les ressources naturelles constituent la base d’un développement réel et durable, et les forêts sont au cœur du développement durable.
Les forêts sont un patrimoine naturel et humain commun qu’il importe de préserver et de transmettre aux générations futures.