Khadija El Kamouny: Parcours singulier d’une ingénieure membre de la CSMD
Par Maha RACHID
Rabat- C’est avec un visage joyeux et un sourire aux lèvres que Khadija retire sa casquette du membre de la Commission Spéciale sur le Modèle de Développement (CSMD), pour porter son tablier de physicienne et d’ingénieure à la Fondation MASCIR, une association à but non lucratif.
Née au sein d’une famille modeste non loin de Sidi Bennour, Khadija était une petite fille joyeuse jusqu’au jour où on lui refusa son inscription à l’école, simplement car elle avait quelques années de plus que ses camarades. « Cette petite n’a pas de chance, l’école n’est pas son destin », voilà ce qu’à entendu Khadija El Kamouny, du haut de ses 9 ans, dans le bureau d’un directeur d’école.
« Aucune école n’acceptera son inscription. Elle a dépassé l’âge légal », ces quelques mots éveillèrent chez Khadija un sentiment de déception, de frustration, de colère, mais également la volonté sans faille de ne pas se laisser abattre. Ces paroles ont fait de Khadija la battante qu’elle est devenue aujourd’hui.
« Ni moi, ni ma famille n’avions l’intention de baisser les bras », a-t-elle confié à la MAP, expliquant que l’école de la deuxième chance a constitué un véritable tournant dans sa vie.
En effet, c’est grâce au programme d’éducation non formelle installé dans son petit village, que Khadija El Kamouny a fait ses premiers pas à l’école. « L’école de la deuxième chance a été la chance de ma vie et le début d’un cursus académique que, j’espère, ne s’arrêtera jamais », a-t-elle révélé, expliquant, à cet égard, que cet « incident de parcours » a fait naître en elle une rage profonde, une infinie ambition d’étudier et un désir incontrôlable de dépasser ses limites.
« La première année du collège n’a pas été très facile. Je parcourais près de 8km pour aller étudier, car le collège était bien loin de chez nous », a-t-elle souligné. Heureusement, l’année d’après, sa famille a déménagé à El Jadida. Ce fut le début d’une nouvelle aventure pleine de péripéties et de bouleversements. « A El Jadida, les conditions étaient plus favorables« , se rappelle-t-elle. Son ambition ne s’arrête pas là. Elle entame des études en parallèle; une thèse de doctorat à l’école Mohammedia des ingénieurs, un master et une licence en droit privé.
Mme El Kamouny obtient également le 1er prix de la Conférence internationale des énergies renouvelables CIER14, à Monastir en Tunisie, la médaille d’or au Concours internationale d’innovation et d’invention « iCan2016 », à Toronto au Canada et est membre d’une équipe de trois inventeurs marocains ayant participé à l’invention du « Thermoelectric Cooling Micro Inverter for Photovoltaics System ».
Khadija, dont le nom figure sur la liste des membres de la CSMD, ne réalise toujours pas « son destin ».
« Quand j’ai appris ma nomination par SM le Roi Mohammed VI, je n’en ai pas cru mes oreilles », a souligné Mme El Kamouny, ajoutant qu’elle est la preuve concrète qu’au Maroc, il n’y pas place à l’exclusion.
« Au début, j’ai ressenti une immense fierté de faire partie de la CSMD, puis j’ai vite réalisé la lourde responsabilité qui me revenait« , puisque « le peuple marocain et Sa Majesté attendent beaucoup du travail de la commission. Nous devons être à la hauteur de Leurs attentes et réaliser les ambitions qui nous ont été confiées », a-t-elle dit.
« Personnellement, je m’engage corps et âme pour ne jamais décevoir ma Patrie et mon Roi« , a-t-elle affirmé, soulignant que le Royaume a énormément d’attentes et que les besoins varient en fonction de chaque région.
En outre, Mme El Kamouny a affirmé qu’à travers ses recherches, elle veut aider à rendre le monde meilleur. « Mes recherches doivent servir à quelque chose », a-t-elle indiqué.
Khadija, féministe dans l’âme et maman d’un petit garçon, ressent le besoin d’améliorer les conditions de vie de la femme africaine.
« Dans certains pays d’Afrique les besoins primaires des femmes sont loin d’être assouvis », a-t-elle déploré, affirmant que près de 600 millions d’Africains n’ont pas accès à l’électricité.
A travers ses recherches, Khadija espère mettre en place un projet d’électrification décentralisée et de décontamination de l’eau par le biais des énergies renouvelables. « Je me sens profondément touchée quand je vois des femmes africaines et leurs enfants vivre dans des conditions parfois désastreuses », a-t-elle dit.
« Cela facilitera la vie de milliers de femmes africaines qui n’auront plus à parcourir des kilomètres pour avoir accès à l’eau », a-t-elle souligné, révélant que plusieurs ménages auront la vie plus facile grâce à l’électricité et l’eau potable, qui régleront plusieurs problématiques, notamment celle liées à l’éclairage, l’alimentation, à l’hygiène ou encore aux maladies liées à l’eau.
« Seules les femmes peuvent réaliser ce changement », a-t-elle insisté, ajoutant que « l’engagement, la solidarité et l’entraide doivent régner chez nous toutes pour améliorer notre situation ».
Khadija El Kamouny rappelle aux petites filles, jeunes filles et jeunes femmes marocaines que « la pauvreté n’est pas un obstacle. Il suffit de volonté, d’ambition et de courage pour que les rêves de chacune deviennent réalité ».
La Fondation MAScIR est une association à but non lucratif créée en 2007. Elle vise la promotion et le développement de pôles de recherche technologique dans les domaines des matériaux et nanomatériaux, de la biotechnologie, de la microélectronique et des sciences de la vie. Ses travaux sont orientés vers la recherche appliquée et l’innovation pour répondre aux besoins du marché.