L’Argentine en mesure d’irriguer 10 millions d’hectares de terres agricoles (Interview)
Buenos Aires – L’Argentine dispose d’un énorme potentiel pour augmenter la superficie irriguée de ses vastes terres agricoles, qui pourrait atteindre 10 millions d’hectares, a indiqué Jorge Neme, ancien chef du cabinet des ministres-adjoints et un éminent expert en matière de stratégies agricoles.
Dans une interview avec la MAP, Jorge Neme a conditionné l’augmentation des superficies irriguées à la réalisation d’investissements conséquents estimés à plus de 31 milliards de dollars.
Il a ajouté que l’exploitation de ce potentiel en Argentine pourrait permettre à son pays de satisfaire, dans une grande mesure, la demande croissante des produits agricoles sur les marchés mondiaux, donnant l’exemple du Pérou, qui est devenu un des principaux exportateurs de fruits au monde après la mise en oeuvre d’une stratégie d’irrigation massive d’un désert tropical dans le nord du pays.
« Nous disposons des ressources pour faire un saut qualitatif en matière d’agriculture irriguée, afin de positionner notre pays sur la scène mondiale et obtenir les investissements nécessaires à une utilisation efficace de l’eau et une augmentation des superficies irriguées », a ajouté Jorge Neme.
Le secteur agricole en Argentine est la locomotive principale de l’économie de ce pays doté de plaines fertiles et de nappes phréatiques parmi les plus vastes au monde.
Toutefois, les exploitants agricoles se plaignent des mesures gouvernementales qui freinent leurs exportations à travers un contrôle strict du marché de change, ce qui impacte négativement les ressources allouées aux investissements dans les projets d’irrigation.
Jorge Neme avait été le coordinateur d’une étude complète sur le « potentiel d’irrigation en Argentine », réalisée en coordination avec l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO), qui avait pour but de servir de base pour concevoir les politiques publiques en matière d’irrigation.
Il a aussi été vice-ministre des relations étrangères chargé des affaires économiques entre 2019 et 2021.
Pour cet ancien haut responsable argentin, son pays, bien qu’il ne soit pas particulièrement touché par la rareté des ressources hydriques en comparaison avec d’autres pays, est toutefois appelé à concevoir une gestion durable de l’eau, en considérant les effets du changement climatique.
Il pense que l’irrigation représente un outil stratégique pour augmenter la production alimentaire, afin de garantir la sécurité alimentaire, générer de nouvelles opportunités d’emploi et favoriser l’enracinement des jeunes générations dans leurs terres d’origine.
A l’heure actuelle, l’Argentine compte une superficie irriguée d’un peu plus de 2 millions d’hectares, soit 5% seulement de la superficie totale cultivée dans le pays. Les deux tiers de cette superficie bénéficient d’une irrigation par les eaux de surface, laissant une marge gigantesque pour l’exploitation des eaux souterraines.
La superficie totale des terres cultivées s’élève à 39 millions d’hectares, dont environ 37 millions dépendent entièrement des pluies.
Toutefois, le potentiel des terres irriguées pourrait être porté à 10 millions d’hectares, déclinées en nouvelles zones à irriguer et des terres où une irrigation complémentaire pourrait être envisagée.
Les régions du nord-est, traversées par les deux principaux fleuves du pays, le Parana et l’Uruguay, recèlent le potentiel le plus important, notamment les provinces de Entre Rios, Chaco, Corrientes et Santa Fe.
Jorge Neme a appelé à une prise de conscience des exploitants agricoles et des pouvoirs publics quant à l’importance d’une utilisation efficace de l’eau dans l’irrigation, qui est un levier efficient pour l’intensification durable de la production agricole.
Il a enfin estimé que l’irrigation représente un enjeu stratégique majeur pour l’Argentine, qui souhaite augmenter et diversifier ses exportations agricoles pour atténuer la crise financière.