Ecomondo 2023 : quatre questions au président du comité technico-scientifique d’Ecomondo, Fabio Fava
Propos recueillis par Imane Brougi
Rimini (Italie) – Sécheresse, désertification, inondations…Les phénomènes météorologiques extrêmes ne cessent de s’intensifier menaçant de plus en plus le continent africain, d’où la nécessité d’adopter de nouvelles approches privilégiant les solutions vertes.
C’est pour faire face à ces défis que le Maroc a choisi de s’engager dans les efforts internationaux dans le domaine de l’environnement et des énergies renouvelables, en accélérant la transition vers le vert.
Dans un entretien accordé à la MAP, le président du comité technico-scientifique d’Ecomondo, Fabio Fava, revient sur les avancées enregistrées par le Royaume dans le domaine écologique, les risques majeurs qui menacent le continent africain et les actions à mener pour lutter contre les défis écologiques, ainsi que les principales thématiques traitées lors de la 26ème édition du Salon international Ecomondo, dédié à l’économie verte et circulaire, qui se tient du 7 au 10 novembre à la ville italienne de Rimini.
1- Pionnier en matière d’énergies renouvelables sur le plan africain, comment évaluez-vous les avancées enregistrées par le Royaume dans le domaine écologique ?
Le Maroc a réalisé un progrès notable en matière de transition verte. Il est très présent dans plusieurs initiatives mondiales et régionales environnementales. Cette implication se traduit par la conclusion de nombreux accords et l’adhésion à une série de projets ambitieux.
Il s’agit d’un acteur actif sur la scène méditerranéenne et d’un membre de nombreuses initiatives dont l’Italie fait partie, telles que l’initiative de recherche et d’innovation pour la promotion de l’économie bleue dans le bassin méditerranéen, Bluemed, et l’initiative pour le développement durable de l’économie bleue en Méditerranée occidentale WestMed.
Je tiens également à mentionner que le Maroc, qui dispose d’un potentiel solaire considérable, est un pays très engagé dans le domaine de l’énergie solaire. Cette énergie est d’une importance cruciale car elle favorise la réduction des émissions, en contribuant largement à l’atténuation de l’impact des changements climatiques.
L’implication du Maroc reflète son engagement continu dans la lutte contre la dégradation environnementale, en faisant partie de plusieurs projets internationaux relatifs à la recherche, l’innovation et l’économie verte.
2- Quels sont les risques environnementaux majeurs qui menacent le continent africain et quelles sont les actions à entreprendre pour faire face à ces défis ?
L’Afrique et la Méditerranée sont le berceau de l’humanité, elles abritent environ 30% des réserves minérales mondiales (jusqu’à 40% de l’or mondial, 90% du chrome et du platine de la planète, les principales réserves de cobalt, diamants, platine et uranium, 8% du gaz naturel mondial et 12% des réserves pétrolières mondiales).
L’Afrique possède 65% des terres arables du monde et 10% des sources d’eau douce. Cependant, les pays africains sont aujourd’hui confrontés à un large éventail de problèmes environnementaux qui constituent une menace sérieuse pour les populations de la région. Bien que l’Afrique soit le continent qui contribue le moins aux changements climatiques sur la planète, elle est aussi le plus vulnérable à leur impact.
En effet, les problèmes environnementaux auxquels l’Afrique est confrontée représentent non seulement une menace sérieuse pour la santé de ses populations, mais aussi pour son économie et sa cohésion sociale. Ils comprennent la déforestation, la dégradation des sols, la pollution atmosphérique et de l’eau (intérieure et marine), notamment à cause d’une gestion des déchets non responsable et de la rareté de l’eau (avec les problèmes d’accès à l’eau potable et à l’assainissement)…
Ces problèmes sont en partie traités dans les colloques d’Ecomondo, notamment en ce qui concerne la gestion et la protection des ressources hydriques et la gestion des déchets en Méditerranée, mais aussi la prévention et la réduction de la pollution chimique (microplastiques, pesticides, hydrocarbures, excès d’azote et de phosphore, etc.), ainsi que la régénération de l’espace maritime en Méditerranée. Ces événements sont organisés en coopération avec la Italian Trade Agency, la Commission européenne, la FAO et ISWA International.
Les initiatives se multiplient dans le domaine des énergies renouvelables, de l’économie circulaire et de l’innovation verte pour lutter contre la désertification, conformément à l’ »Agenda 2063″ pour l’Afrique, conçu pour un nouveau développement économique durable en Afrique.
Les secteurs public et privé africains commencent à travailler ensemble sur ces priorités. Par exemple, en ce qui concerne le Maroc, on peut citer l’action lancée en juillet dernier par la Banque mondiale, qui a accordé au pays un appui financier de 350 millions de dollars pour renforcer la gestion du secteur hydrique, c’est-à-dire la protection des ressources hydriques souterraines, l’utilisation efficace des ressources hydriques y compris dans l’irrigation, l’amélioration de l’information sur l’eau et le renforcement des agences de bassin hydraulique.
Les priorités urgentes pour le continent sont plusieurs, notamment l’adaptation de la production agroforestière et de alimentaire, le changement climatique, la réduction de la pollution liée aux déchets et aux émissions chimiques, la régénération des sols dégradés et de l’hydrosphère, l’utilisation durable des ressources hydriques et la désalinisation.
3- Quelles sont les principales thématiques abordées lors de la 26ème édition d’Ecomondo ?
Pour cette édition, une série de thématiques sont à l’ordre du jour touchant à plusieurs domaines. Parmi les principaux sujets figurent la mise en œuvre au niveau national des priorités et projets Next Generation EU consacrés à l’économie circulaire, avec une attention particulière pour les filières DEEE, papier-carton, textile et plastique, ainsi que l’état d’adoption, au niveau européen et international, de l’économie circulaire en termes d’efficacité des processus de production et des produits générés, d’écodesign, de recyclage et d’utilisation de matières premières secondaires dans les filières industrielles des secteurs textile, DEEE, plastique, papier-carton et construction, avec des références spécifiques au nouveau « Pacte vert industriel ».
Je cite aussi la préservation et la régénération de l’environnement, l’assainissement et la reconversion des sites pollués et des sites industriels désaffectés, la régénération des sols et de l’hydrosphère avec la production et la valorisation durables des ressources agroforestières et marines générées, avec la production d’aliments mais aussi de bois, papier, composés biochimiques, biomatériaux et bioénergie, plus durables et circulaires.
De même figurent l’utilisation durable des ressources hydriques, la valorisation intégrée des eaux usées et la désalinisation, l’utilisation durable des ressources (biologiques, minérales et énergétiques) de la mer et des océans grâce à des activités maritimes (pêche, transport, production d’énergie, tourisme) moins polluantes et plus régénératrices (économie bleue).
Sans oublier d’attirer l’attention sur les villes vertes et circulaires dans la gestion et la consommation des aliments, l’utilisation des ressources hydriques et énergétiques et la gestion et la valorisation des déchets générés.
Un intérêt particulier est aussi accordé à la recherche et à l’innovation, et aux financements européens pour soutenir ce secteur dans toute l’Europe et la région méditerranéenne, aux nouvelles normes, procédures et politiques nationales et européennes régissant leur adoption, aux investissements et financements, aux start-up, et à la formation et la communication.
4- L’Europe fait d’importants pas en avant dans la course pour atteindre les objectifs de développement durable, que reste-t-il à faire ?
L’Europe devrait investir davantage pour inverser le déclin de sa biosphère et la régénérer. L’absence de restauration des écosystèmes, combinée aux pressions humaines telles que la pollution, la dégradation du territoire et la surexploitation des ressources, met la nature à une rude épreuve en Europe.
En raison de ces pressions combinées, les services écosystémiques fournis par la nature, tels que le piégeage du carbone et la régulation du climat, sont menacés. Le changement climatique cause des événements météorologiques plus fréquents et plus extrêmes, tels que les inondations, la sécheresse, les incendies et les tempêtes. Une nature régénérée aiderait également l’Europe à faire preuve de résilience face à ces adversités lorsqu’elles se produisent.
En ce moment, l’Europe continue d’user massivement les ressources naturelles non renouvelables, simultanément, 81% des habitats protégés, 39% des oiseaux protégés et 63% des autres espèces protégées sont menacés dans leur survie. Bien que les zones protégées représentent 26% du territoire et 12% des zones marines de l’UE, elles n’ont pas suffi à inverser le déclin de la nature.
Nous devons restaurer les écosystèmes pour enrayer le déclin de la biodiversité. Nous devons accroître la superficie des forêts, des zones humides et des prairies sous-marines de phanérogames, car cela permettra d’augmenter le piégeage et le stockage du carbone. La restauration améliore également la résilience des écosystèmes, en les aidant à s’adapter aux phénomènes météorologiques extrêmes de plus en plus fréquents associés aux changements climatiques.
La restauration des écosystèmes peut améliorer la santé, le bien-être et la qualité de vie des personnes en augmentant la disponibilité des espaces verts, en atténuant la pollution et en réduisant le risque de transmission de maladies de l’animal à l’homme.