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16 Déc

Programme d’investissement vert OCP : Interview avec Said Guemra, expert conseil en management de l’énergie

                                 Propos recueillis par Kawtar CHAAT.

 

Casablanca, 16/12/2022, (MAP) – L’expert conseil en management de l’énergie, Said Guemra, a accordé une interview à la MAP, dans laquelle il s’exprime sur le nouveau programme d’investissement vert du groupe OCP et la dynamique de transition vers les énergies vertes et une économie décarbonée. En voici la teneur:

 

1. Quelle est votre lecture du nouveau programme d’investissement vert du groupe OCP (2023-2027) ?

Le programme d’investissement vert de l’OCP constitue une première réponse aux Instructions Royales relatives à la promotion de l’hydrogène vert, par activation de la feuille de route hydrogène du Maroc, la mise en place d’un cadre réglementaire et le schéma des infrastructures, qui doivent supporter ces projets.

Il faut également noter que le Maroc est classé parmi les pays qui ont les meilleures possibilités climatiques au monde: vent et soleil simultanés pour produire l’hydrogène avec le coût le plus faible possible, particulièrement au niveau de nos côtes du sud.

Par cette impulsion royale, le Maroc met toutes les chances de son côté, pour réussir la production de l’hydrogène pour ses propres besoins, mais également pour l’export.

Pour se faire une idée de l’importance du projet OCP, ce projet sera doté d’une puissance renouvelable de 5 GW. Il s’agit de 20% de plus que la puissance renouvelable du Maroc (4 GW) et un peu moins que la moitié de toute la puissance installée au Maroc (11 GW). C’est pour vous donner une idée de l’importance de ce projet, ou l’unité de mesure est le milliard de dollars.

L’originalité de ce projet ne réside pas dans son volume financier, son originalité réside dans sa conception.

 

2. Le Maroc est fortement engagé sur la voie de la réduction de l’empreinte carbone. Quels sont les atouts de ce programme pour s’y positionner ?

L’OCP répond à une multitude de ses besoins grâce aux énergies renouvelables et vise la neutralité carbone bien avant 2040.

La grande majorité de cette puissance renouvelable 3,8 GW sera consacrée à la production de l’ammoniaque vert, avec un objectif de production de 3 millions de tonnes NH3/an, ce qui veut dire, la satisfaction des besoins de l’OCP, se prémunir des risques d’approvisionnement et donc la possibilité de produire du NH3 à moindre coût, dans la mesure où l’électricité verte peut être produite dans nos zones sud à moins de 2 Cts $ / kWh.

Le plus important est que l’office peut produire des engrais à un coût très compétitif, mais surtout des engrais à très faible empreinte carbone, ce qui va positionner le Maroc à la première marche mondiale des engrais verts.

Il faut également noter que l’électrolyse est un l’élément clé de cette production. C’est un processus très gourmand en électricité, puisqu’on parle de 52 à 56 kWh/kg H2.

L’électricité représente quelque chose comme 60% du prix de revient, les 40% restants sont relatifs à l’amortissement de l’électrolyseur.

L’OCP a donc décidé d’intégrer la fabrication des électrolyseurs, afin de baisser les coûts probablement à moins de 0.5 M$/MW.

Ainsi, l’originalité du projet OCP réside dans le fait de disposer d’une énergie verte des plus compétitives, et d’un coût d’électrolyse des plus bas.

Nous sommes en mesure d’espérer un coût de production d’hydrogène à moins de 1,5 $/kg.

Le projet OCP doit être considéré dans sa conception multidimensionnelle, les stations de dessalement, vont permettre de promouvoir les projets d’agriculture avoisinants, plus de 25.000 emplois seront créés, avec intégration du tissu industriel et la possibilité de fabriquer les pales et les mâts, et pourquoi pas une partie des constituants des turbines d’éoliennes.

C’est ainsi que je salue très chaleureusement, les concepteurs de ce projet, qui sera la véritable locomotive de la transition énergétique dans notre pays.

 

3. Dans quelle mesure cette nouvelle stratégie permettra-t-elle de renforcer la production de la filière de l’hydrogène vert et la capacité des énergies renouvelables ?

La réponse est contenue au niveau des récentes Instructions Royales relatives à la production de l’hydrogène vert dans notre pays, à savoir la définition du cadre réglementaire, et les infrastructures qui vont permettre de mener à bien ces projets.

Avec un contexte énergétique mondial très perturbé, et la forte augmentation des prix du gaz naturel, l’Europe, et bien d’autres pays, vont accélérer les investissements pour disposer d’une énergie compétitive, et surtout décarbonée.

Les projets hydrogène peuvent voir le jour sous forme de lotissements hydrogène à attribuer à chaque développeur national, ou international. Ils nécessitent plusieurs milliers d’hectares autour de Dakhla, qui deviendrait la capitale de l’hydrogène par excellence.

Le premier pas serait de définir le foncier afin d’éviter les projets éparpillés. Plus d’une trentaine de projets peuvent être créés dans nos zones sud qui bénéficient d’un ensoleillement de plus de 2.200 kWh/M2/an, et une vitesse de vent de 11 m/s.

L’offre hydrogène du Maroc peut être déclinée sous forme de lots d’accueil des projets, avec une formule d’exploitation très claire.

Nous pouvons espérer une production de plus de 50 millions de tonnes H2 par an, soit 9% des besoins mondiaux en 2050.

Un gazoduc de plus de 2300 km, peut relier un futur port à Guerguerat à la ville de Tanger pour alimenter nos centrales électriques en sortie du charbon, nos industries, et l’export sous forme de gaz vers l’Europe, et liquide à partir de Guergarat.

Ce modèle d’infrastructures semble le plus adéquat, le mieux organisé, et le plus sécurisé.

 

4. Dans l’équation de l’investissement vert, plusieurs aspects sont à prendre en compte pour la création d’un environnement d’affaire favorable. Quid du cadre légal ?

En dehors des aspects technique, sécuritaire et foncier, le cadre légal doit définir très clairement, les parts de production qui reviennent au Maroc.

Si nous adoptons le parallèle avec notre code de recherche pétrolières, les parts du Maroc seraient de 20%, en plus de 7% de droits de passage au niveau des bretelles et du gazoduc, soit 27% ou 13,5 millions de tonnes/an, de quoi décarboner nos centrales électriques à charbon, dans les horizons 2035/2040.

Au final, on comprend mieux la liaison faite par Sa Majesté le Roi, entre les schémas d’infrastructures et le schéma réglementaire.

Les deux sont finalement liés. N’oublions pas que le Maroc vient de disposer d’une excellente Charte de l’investissement qui fait la part belle aux énergies renouvelables.

Il est également question de mettre en place un laboratoire de simulations et de mesures certifiées des vitesses de vent et de l’ensoleillement afin de faciliter la tâche aux investisseurs.

 

5. Quel regard portez-vous sur la dynamique de transition vers les énergies vertes et l’économie décarbonée ? Et quels sont, selon vous, les facteurs déterminants de l’investissement et de la promotion des énergies renouvelables au Maroc ?

Cette question nous ramène au point de départ de la transition énergétique au Maroc.

En 2009, Sa Majesté le Roi avait défini les axes de développement de la transition énergétique marocaine, à savoir l’efficacité énergétique prioritaire, les énergies renouvelables et un futur mix électrique qui n’exclut aucune énergie renouvelable y compris l’électronucléaire.

Il faut noter avec fierté que les conclusions des experts du GIEC en mars 2022, sont celles du plan de transition initié par Sa Majesté en 2009.

Nous avions un formidable outil Royal de transition énergétique que nous n’avons pas exploité à la hauteur des ambitions.

Si nous avons un bilan des renouvelables qui est de 20% du mix électrique, nous n’avons pas de bilan pour l’efficacité énergétique. Le Maroc avait prévu de réduire sa consommation de 12% entre 2010 et 2020, soit un montant de 8 milliards de dirhams (MMDH) par an d’économie… que nous avons raté.

Les deux secteurs efficacité énergétique et énergies renouvelables ont besoin d’une réelle redynamisation, pour atteindre les objectifs assignés.

Pour les renouvelables, il existe un ensemble de lois depuis la loi 13/09. Ces lois sont inapplicables, et encore mieux sans décrets d’application.

Résultat du parcours, on ne voit pas de plaques solaires sur nos toits, avec très peu d’applications dans l’industrie.

Ainsi le développement des renouvelables va se faire avec les grands projets en haute tension, mettant à l’abri les intérêts distributeurs en moyenne et basse tension.

Le cadre réglementaire reste le principal obstacle au développement des énergies renouvelables. Un grand nombre de consommateurs peuvent être décarbones à 100% par application du plan de transition initié par Sa Majesté le Roi: efficacité énergétique, renouvelables sur site et renouvelables hors site qui peut apporter le complément à 100%.

Ceci-dit, il va falloir poser le curseur à la bonne distance, entre les consommateurs et les distributeurs afin de renforcer le cadre réglementaire qui régit le secteur.

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