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26 Fév

La colombophilie « made in Morocco » prend doucement son envol

Par Meriem Rkiouak

 

Rabat- En interviewant ses adeptes, ils nous ont assuré qu’il s’agit d’une activité qui gagne en popularité et en performance. En approchant les concernés -les joueurs- pour recueillir leur avis, on n’a reçu, pour toute réponse, que des roucoulements et des battements d’ailes. Bienvenue dans le monde merveilleux des pigeons de course !

Ces coureurs professionnels sont uniques. Vous ne les verrez ni sur les podiums des Jeux Olympiques ni dans le JT, seulement dans le ciel, leur vaste royaume et terrain de jeu qu’ils traversent tel un éclair, désinvoltes, majestueux et inaccessibles dans leur fulgurante et somptueuse lancée !

Rois de l’azur, les pigeons voyageurs sont adulés par une large communauté de fans, juvénile par excellence. C’est d’ailleurs l’un des points forts de la colombophilie sous ciel marocain: alors qu’au Vieux continent cette activité à mi-chemin entre loisir et jeu de hasard est en perte de vitesse, étant principalement exercée par des retraités, au Maroc elle prend doucement mais sûrement son élan grâce à une large base d’amateurs jeunes, passionnés et dotés d’un esprit de bénévolat, de discipline et de compétition hors du commun.

La « Botola » des pigeons se déroule d’habitude entre janvier et mai. “Le reste de l’année, les volatiles sont en état de repos”, précise à la MAP Mohsine Bouzoubaâ, président de l’association Bidaouia de colombophilie.

Repos pour les volatiles, mais aucun répit pour leur propriétaire qui doit rester aux petits soins, côté alimentation, hygiène et confort.

Tout cela demande un investissement conséquent en termes de temps, mais aussi d’argent. Ce n’est que le jour de la course que le maître aura droit (ou pas) à un retour sur investissement.

Munis de chronomètres spéciaux qui enregistrent l’heure de départ, les compétiteurs lâchent, depuis le même point et d’un seul élan, leurs mignons “joueurs” qui portent aux pattes des bagues contenant un code barre secret.

Le nombre des volatiles lâchés est fonction de l’envergure de la course (à l’échelle d’une ville, d’une région ou du pays) et des ressources des associations participantes.

Haj Hassan, un vétéran qui a roulé sa bosse dans les courses des pigeons, se rappelle qu’il y a quelques années, lors d’un “derby” (Eh oui, les colombophiles ont le leur !), quelque 38 mille volatiles ont été lâchés d’un seul coup lors d’une course à partir d’Essaouira. Un record.

“Il pleuvait des oiseaux, ce jour-là !”, raconte-t-il à la MAP, affirmant qu’ »une compétition à l’échelle de l’Europe par exemple atteint à peine ce chiffre ».

De retour chez-lui, le compétiteur a les nerfs à fleur de peau pendant les quelques jours que dure la course. Ses yeux suspendus au ciel, il n’arrête pas de murmurer des prières dans l’espoir de voir ses « princes des nuées » surgir des gros nuages. Si le volatile revient, c’est la fiesta et les retrouvailles en larmes. Mais s’il se fourvoie ou succombe aux aléas de la route (chaleur, froid, fatigue, faim, prédateurs, braconnage…), alors c’est un deuil dont le colombophile ne se remet pas de sitôt.

Les champions sont ceux qui arrivent les premiers. Leurs maîtres, sur un petit nuage, alertent aussitôt un centre d’appel dédié en lui communiquant le code figurant sur la bague.

Sur plusieurs milliers d’oiseaux partis, seules quelques centaines reviendront « home » sains et saufs. Plus la distance est longue, moins sont les chances du maître de revoir ses chers compagnons.

C’est un fait dont les “moulou’ine” sont parfaitement conscients et qu’ils assument pleinement. Tous vous diront que cela fait partie des risques et du « charme » du jeu et que l’immense plaisir qu’ils tirent de ce hobby vaut tous les sacrifices.

C’est que leur motivation n’est pas du tout pécuniaire. Si, sous d’autres cieux, le « mercato » des pigeons champions de courses fait carton plein et fait gagner des fortunes à leurs propriétaires (en 2019, le pigeon flamand Armando a été vendu à plus de 1,25 million d’euros au cours d’une vente aux enchères en ligne, devenant l’oiseau le plus cher de son espèce au monde), au Maroc ce marché n’existe pratiquement pas. « C’est comme si tu mettais aux enchères un membre de ta famille. La honte, quoi ! », martèle Haj Hassan.

Et c’est loin d’être une métaphore: à force de les fréquenter, les couver, les dresser et les regarder partir loin lors des lâchers pour toujours revenir au bercail, un colombophile développe un rapport quasi-filial avec ses pigeons.

L’autre élément qui rend les colombophiles marocains si spéciaux: leur sens élevé d’auto-organisation et d’entraide. Il s’agit d’une communauté très soudée où les juniors apprennent les règles de l’art des mentors, par contact direct ou via des forums de discussion, des pages Facebook régulièrement actualisées ou des vidéos-guides qui regorgent de conseils, astuces et modes d’emploi (comment identifier les meilleures races, bien doser le régime alimentaire, développer la musculature, réussir un programme d’entraînement…). Bref, une petite société passionnée, collaborative et auto-disciplinée qui n’a rien à envier aux Ultras du Raja ou du Wydad !

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