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19 Nov

Espagne: un projet de bannir les véhicules à combustion à l’horizon 2040 suscite les craintes

Par Idriss TEKKI

Las Palmas – L’annonce la semaine dernière par le gouvernement espagnol d’un projet de loi sur le changement climatique et la transition énergétique qui prévoit l’interdiction des ventes des véhicules à combustion à compter de 2040 et de bannir de la circulation ce type de véhicules a pris de court les professionnels du secteur.

En effet, les avis sont divergents entre ceux estimant qu’il s’agit d’un délai très court pour qu’un secteur très important de l’économie espagnole puisse s’adapter à la nouvelle situation et les utilisateurs des voitures dites 0 émissions pour lesquels cette mesure s’inscrit dans l’ordre des choses et répond parfaitement à l’évolution technologique, sans parler des contraintes liés au changement climatique.

Les organisations professionnelles du secteur de l’automobile redoutent que le projet du gouvernement de Pedro Sanchez d’interdire, à compter de 2040, l’immatriculation des véhicules particuliers et utilitaires légers émettant du dioxyde de carbone, provoque la disparition de milliers d’emplois en Espagne, où le secteur emploie 10% de la population active et contribue à hauteur de 10% du PIB.

L’un des secteurs qui seraient les plus touchés par cette décision, qui concerne les véhicules à essence, diesel et hybrides, serait celui des entreprises dédiées à la réparation et à l’entretien, qui seront obligées de se réinventer afin de réorienter leurs services vers les véhicules électriques.

Le président de l’Association des ateliers de réparation des véhicules de la province de Las Palmas (Atare), Antonio Miranda, déplore que la marge de temps de ces entreprises pour s’adapter à un tel « changement radical est insuffisante ».

« L’administration n’offre pas de plans pour recycler et former les professionnels », note-t-il dans des déclarations à la presse locale, pointant du doigt les déficiences en matière de formation continue ce qui rendra, à ses yeux, « très difficile de trouver une main d’œuvre qualifiée pour affronter ce nouveau scénario ».

Le président d’Atare souligne également que les ateliers souhaitant survivre à cette situation seront contraints à faire d' »importants investissements financiers » et seront, par conséquent, assujettis à un « un processus administratif compliqué pour pouvoir continuer à exercer leur travail » ou condamnés à fermer leurs ateliers.

Selon l’association, les Canaries comptent un total de 2.000 ateliers de réparation des voitures à combustion avec un total de 8.000 emplois directs.

De leur côté, les importateurs et vendeurs de véhicules des Canaries, si bien se sont montrés favorables à ce projet, estiment que le délai de 22 ans pour cesser de vendre des véhicules à combustion n’est pas suffisant pour qu’ils puissent s’adapter à la nouvelle situation.

La mise en place des nouvelles technologies libres d’émissions de dioxyde de carbone demeure encore très lente, souligne le président de la Fédération régionale canarienne des importateurs et concessionnaires d’automobiles (Fredica), Rafael Pombriego, dont les propos ont été repris par le quotidien canarien La Provincia.

Jusqu’au mois d’octobre dernier, 141 véhicules électriques seulement ont été immatriculés dans l’archipel, ce qui représente un chiffre dérisoire par rapport aux ventes des automobiles conventionnels, mais qui dépasse de 44% les ventes de toute l’année 2017, explique-t-il.

Fin 2017, les îles Canaries comptaient un parc automobile de quelque 1,64 million de voitures, dont seulement 1.189 étaient électriques, soit 0,07% du total, selon les données de l’Institut canarien de la statistique.

D’après le président de Fredica, même si le délai de 22 ans prévu dans le projet de loi du gouvernement de M. Sanchez peut paraître très long, il n’est pas suffisant pour que le secteur puisse s’adapter complètement.

Même son de cloche chez l’Association nationale des importateurs d’automobiles, de camions, d’autobus et de motocyclettes (Aniacam), qui estime que les mesures prévues dans ce texte entraîneraient un « recul important » aussi bien du PIB national que de l’emploi.

En effet, le secteur automobile en Espagne emploi 10% de la population active espagnole et contribue à 10% du PIB national, alors qu’avec l’entrée en vigueur de ce projet de loi, l’Etat cessera de recouvrer près de 23 milliards d’euros à titre notamment d’impôts et de taxes issus de ce secteur.

Et comme le malheur de certains fait le bonheur des autres, les utilisateurs des véhicules électriques pensent tout à fait le contraire. A cet égard, le secrétaire national de l’Association des utilisateurs des véhicules électriques (Auve), Hector Rodriguez, estime que le délai fixé par le gouvernement central était même « excessif » eu égard à l’évolution technologique rapide que connaît le secteur et l’abaissement des prix qui encouragent de plus en plus de gens à opter pour un véhicule 0 émissions.

M. Rodriguez, qui dirige l’antenne de l’association à Tenerife, note que le coût de cette énergie propre qui ne dépasse pas 1 euro/100 km est très encourageant, soulignant que pratiquement la totalité des véhicules électriques présents sur le marché local ont une autonomie dépassant les 200 km, de quoi par exemple faire le tour de toute l’île de Tenerife sans avoir besoin de recharger la batterie.

Chacun a ses raisons et ses arguments pour défendre ou critiquer un tel projet, mais une migration vers les énergies propres amies de l’environnement et de l’être humain s’avère plus qu’urgent que jamais compte tenu des répercussions néfastes du changement climatique et des émissions de dioxyde de carbone sur la santé et la nature. Ce genre d’initiatives, annoncées également par l’Allemagne et la Hollande, ne peut que contribuer au bien être des populations et à rendre l’environnement plus sain.

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