ActualitésLes mines d’or au Zimbabwe : une manne ou une malédiction ? 1/2

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22 Déc

Les mines d’or au Zimbabwe : une manne ou une malédiction ? 1/2

Par Ilias Khalafi

Harare – Le Zimbabwe peine toujours à sortir de la crise économique dont s’engouffre le pays depuis de longue date, hormis son sous-sol riche en ressources minérales.

Pour les Zimbabwéens, les mines d’or très lucratives constituent à coup sûr la manne qui sauvera une économie en détresse, mais en réalité, ces mines semblent être plutôt une malédiction à cause d’une corruption généralisée et des décennies de mauvaise gestion, auxquelles s’ajoute désormais la crise sanitaire inédite de la Covid-19.

En effet, bien avant l’actuelle crise sanitaire, l’économie zimbabwéenne faisait face à de profonds problèmes dont les symptômes sont une dépréciation de la devise nationale, une crise financière aiguë, une hyperinflation et une faible production industrielle.

Force est de constater que trois ans après le renversement de l’ancien président Robert Mugabe, ce pays de l’Afrique Australe de 16 millions d’habitants pâtit d’un taux de chômage des plus élevés au monde, avec près de 90% de la population active sans emploi, selon les chiffres de la Fédération des syndicats duºZimbabwe.

En 2019, l’économie du pays s’est contractée de près de 7%, selon le gouvernement, alors que des sources indépendantes estiment que cette contraction a dépassé les 10 pc. La Banque mondiale estime, de son côté, que le taux de pauvreté s’élève désormais à 72 pc de la population.

Face à cette situation économique et sociale délicate, les autorités zimbabwéennes n’ont eu d’autres choix que de jeter leur dévolu sur le secteur minier et plus précisément les exportations de l’or. Les prévisions du gouvernement tablent ainsi sur des revenus annuels de plus de 10 milliards d’euros d’ici 2023.

En effet, le pays possède de vastes réserves d’or qui contribuent à hauteur de 60% des exportations zimbabwéennes. Le secteur aurifère fournit également des emplois à près de 10% de la population du pays.

Mais, au lieu d’être une source de richesse et de prospérité pour le Zimbabwe, l’or est malheureusement l’objet de grands scandales financiers, de corruption et de contrebande.

En effet, la contrebande d’or coûte cher au pays avec près de 35 tonnes d’or vendus en dehors des circuits officiels. Le centre de réflexion International Crisis Group (ICG) a averti récemment dans un rapport qu’au moins 1,5 milliard de dollars d’or zimbabwéen est exporté illégalement chaque année.

La raison principale derrière ce constat est que l’activité minière dans ce pays d’Afrique australe est dominée par l’extraction individuelle ou artisanale. Un constat partagé par le ministre zimbabwéen des Finances, Mthuli Ncube, qui a reconnu que les petites structures de mineurs contribuent à plus de 70% de la production.

Ainsi, l’or est illégalement exporté à l’étranger à partir des mines artisanales, relève le rapport de l’ICG, notant que «les exportations illégales dépassent les livraisons officielles» effectuées par la raffinerie officielle du pays.

L’exemple le plus récent illustrant cette situation est l’arrestation à l’aéroport de la capitale Harare de la présidente de la fédération Zimbabwéenne des mineurs (ZMF), Henriette Rushwaya, en possession de six kilogrammes d’or dans son bagage à main, d’une valeur de plus de 300.000 euros.

Un rapport publié par la Southern Africa Resource Watch (SARW) indique que la production d’or et son système de commercialisation au Zimbabwe présentent une opportunité pour les cartels de blanchir leur argent via la contrebande du métal précieux.

Un autre problème qui entrave le développement de ce secteur porteur consiste en les restrictions imposées par la Banque centrale zimbabwéenne sur la possession de devises étrangères, aggravées par un taux de change fixe adopté par le pays. Un sérieux problème qui a contraint le premier producteur d’or au Zimbabwe, RioZim, à annoncer en juin dernier l’arrêt de sa production en raison, notamment, d’une pénurie de devises étrangères.

Les exportateurs d’or ne sont en effet autorisés à convertir que 70% des revenus de leurs ventes en monnaie étrangère, le reste étant libellé en dollars zimbabwéens.

Outre ces problèmes structurels, le secteur connait une vraie crise sociale avec des conditions de travail désastreuses pour les mineurs artisanaux. Les médias rapportent fréquemment des drames d’effondrements de mines qui font des dizaines de victimes.

Selon Robert Besseling, économiste au sein du cabinet de conseil en risques commerciaux «Exx Africa», le pari du gouvernement de miser sur l’or pour se tirer d’une économie moribonde est «irréaliste».

«Ce plan ne tient pas compte des risques politiques et économiques extrêmement élevés dans le pays, qui décourageront de nombreux investisseurs», a-t-il expliqué, soulignant que les capacités d’exportation du pays sont très limitées à cause de la médiocrité des installations.

Le gouvernement zimbabwéen a certes engagé des réformes pour tenter de diminuer les déperditions de ce métal précieux, mais compte tenu de tous les problèmes que connait le secteur actuellement, l’or ne suffira pas à lui seul pour amorcer une sortie de crise et enclencher une courbe ascendante durable de la croissance.

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