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pêche au centre des négociations Post-Brexit
18 Fév

La pêche, une question cruciale au cœur des négociations post-Brexit

Par Nabila Zourara
Londres- Le Royaume-Uni a quitté l’Union européenne (UE) le 31 janvier dernier après trois reports de cette sortie tant attendue. Alors que les deux parties entament les premières discussions autour de leur futur relation, la question de la pêche maritime s’impose comme l’un des points incontournables de ces négociations.

Après sa sortie de l’UE, Londres réaffirme sa volonté de reprendre le contrôle de ses eaux, considérées parmi les plus vastes d’Europe, mais aussi les plus riches en ressources halieutiques, au moment où plusieurs pays membres de l’UE souhaitent continuer à pêcher dans les eaux britanniques.

Dans son dernier Livre blanc publié en juillet dernier sur « les stratégies industrielles » et « la pêche » dans les prochaines années, le Royaume-Uni prévoit de décider à terme « unilatéralement » de l’accès de ses eaux aux bateaux européens en réponse à la volonté des pêcheurs britanniques, qui avaient voté à 92 % en 2016 en faveur du Brexit, afin de contester les mesures de pêche imposées par l’Union européenne.

Si l’adhésion du Royaume-Uni à l’UE a duré plus de 47 ans, quelle est la raison pour laquelle les Britanniques veulent « reprendre » maintenant le contrôle de leurs eaux? Ce qui est évident, c’est que pour cet Etat insulaire, la question de la souveraineté maritime pèse lourd. Elle était d’ailleurs l’une des revendications pressantes des Brexiters lors de la campagne pour la sortie de l’UE avant le référendum de 2016.

Depuis plusieurs années, les pêcheurs britanniques constatent une réduction continue de leurs zones de pêche à cause de la surexploitation des ressources halieutiques mais aussi de l’augmentation du nombre des navires dans les eaux britanniques, ce qui rétrécit leur activité et les incite à revendiquer une meilleure planification spatiale maritime, du côté européen.

Même si l’UE a essayé d’alléger le poids de « la bureaucratie » que les Britanniques lui ont toujours reproché, et ce en instaurant des zones économiques exclusives de ses États membres mais aussi en autorisant la négociation des totaux admissibles de capture et des quotas chaque année, plusieurs pays membres de l’UE, dont notamment la France et le Danemark, restent encore fortement dépendantes des eaux britanniques.

Selon un rapport précédent de l’UE, les pêcheurs européens auraient prélevé 760.000 tonnes par an en moyenne de poissons dans les eaux britanniques entre 2011 et 2015, alors que les pêcheurs britanniques n’en ont pêché que 90.000 tonnes dans les eaux d’autres pays européens.

Ces chiffres fâchent beaucoup les partisans du Brexit qui estiment que les ressources halieutiques du Royaume-Uni devraient être contrôlés « entièrement et uniquement » par les Britanniques.

« Notre industrie de la pêche est en déclin à cause de la surexploitation européenne », a déclaré à la MAP, Edward Lee Bishop, un fervent Brexiter, actif dans la campagne « Vote to leave ».

« Nous n’avions pas assez de ressources halieutiques pendant un certain temps, mais nous avons investi dans nos zones côtières et construit nos filières de pêche. L’industrie de pêche vaut environ 9 milliards de livres sterling par an au Royaume-Uni et, pour le moment, certains pays de l’UE ont accès à plus de 90% de types de poissons dans nos eaux », a-t-il relevé.

« En Écosse, le Danemark prélève 94% des sardines dans la mer-nord, alors que 5.000 tonnes de poissons par an sont exploités non pas pour la consommation humaine, mais pour être transformées en nourriture pour le saumon et d’autres types de poisson. C’est une abolition de la chaîne halieutique et c’est carrément un désastre environnemental. Si nous pouvons l’empêcher, nous devrions le faire », s’est-il indigné.

Considérée comme le cinquième producteur mondial des produits de la pêche et de l’aquaculture, l’Union européenne s’est dotée d’une politique de pêche commune (PCP) dans les années 1980, à l’instar de la politique agricole commune. La PCP, qui est l’une des politiques européennes les plus intégrées, repose sur la mise en commun des zones économiques exclusives (ZEE) des pays européens et la gestion commune des ressources halieutiques.

Après le retrait du Royaume-Uni de l’Union européenne, la filière de pêche la plus exposée serait celle de la France et le Danemark. La pêche dans certaines régions françaises, dont les Hauts-de-France, la Bretagne et la Normandie dépend étroitement des eaux britanniques.

Selon les chiffres du Comité national français des pêches maritimes et des élevages marins (CNPMEM), 60% de l’activité de la flottille régionale se situe dans les eaux anglaises, tandis que ce chiffre monte à 80 % pour les navires hauturiers qui pêchent au large de l’Écosse.

D’ailleurs, le ministre français des Affaires étrangères, Jean-Yves Le Drian a averti dimanche que les négociateurs en chef européen et britannique « se déchireraient » alors qu’ils tenteraient de tirer parti des négociations, évoquant la pêche comme l’un des sujets les plus délicats de ces pourparlers.

Il a également estimé qu’il serait difficile pour le Royaume-Uni d’atteindre son objectif de conclure un accord de libre-échange d’ici la fin de l’année, prédisant que les pourparlers risqueraient de « tourner mal ».

Le Premier ministre britannique, Boris Johnson, avait de son côté déclaré vouloir un accord basé sur une « coopération amicale entre égaux souverains ». Le négociateur britannique sur le Brexit, David Frost, a, quant à lui, réitéré lundi soir que le Royaume-Uni entend négocier avec Bruxelles un accord de libre-échange « d’égal à égal » et n’acceptera pas que l’Union européenne contrevienne à sa liberté de fixer ses propres règles.

« Il est essentiel pour nous de pouvoir établir des lois qui nous conviennent, de revendiquer le droit que possède tout autre pays non membre de l’UE dans le monde », a-t-il martelé lors d’une intervention à l’Université libre de Bruxelles (ULB).

Le Royaume Uni a officiellement quitté l’UE il y a deux semaines. Techniquement, ce divorce passera par deux étapes. La première a commencé le 1er février 2020 et s’étendra jusqu’à décembre 2020. Durant cette période transitoire, les relations britanno-européennes vont se poursuivre comme avant.

Le Royaume-Uni restera donc « pratiquement » dans l’Union européenne, l’union douanière et le marché unique, tandis que les échanges commerciaux se poursuivront de la même manière entre les deux parties. Mais en même temps, le Royaume-Uni n’aura aucun rôle politique à jouer au sein de l’Union.

Durant la période transitoire, l’appartenance à l’UE sera « intacte dans la forme« , notamment en ce qui concerne la libre circulation des biens, des services et des personnes, qui se poursuivront sans contrôles douaniers.

La deuxième étape est celle des négociations qui devrait commencer à partir de mars 2020. Plusieurs questions seront à l’ordre du jour de ces discussions, notamment celle de la pêche maritime, aux côtés d’autres dossiers épineux comme le protocole relatif à la frontière en Irlande du nord et la position de Londres comme hub financier européen.

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