ActualitésLes abeilles, un exemple de « l’ingéniosité » de l’inspiration de la nature

Actualités

16 Juin

Les abeilles, un exemple de « l’ingéniosité » de l’inspiration de la nature

Rabat – De par le travail considérable qu’elles font et “l’œuvre permanente” qu’elles accomplissent, les abeilles sont un exemple éloquent de “l’ingéniosité de l’inspiration de la nature”, a souligné, mercredi soir à Rabat, l’anthropologue et spécialiste du soufisme, Faouzi Skali.

“Les abeilles sont quelque chose de visible dans cette inspiration liée à l’œuvre d’une façon continuelle”, a affirmé M. Skali qui donnait une conférence intitulée “prophétie des abeilles: soufisme et écologie”, expliquant que l’inspiration est “une connexion avec la dimension spirituelle” et “cette capacité de saisir quelque chose qui dépasse le raisonnement analytique et qui est plutôt de l’ordre de l’intuition illuminative”.

Après avoir rappelé le verset: ”Ton seigneur a inspiré aux abeilles : ‘Prenez des demeures dans les montagnes, les arbres et ce qu’ils érigent [comme treillages et ruches]…” (Sourate les abeilles), le conférencier a estimé que cet insecte social accomplit un travail “considérable” de fécondation” de 80% des produits de ruche et 40% de tout ce que nous mangeons.

Lorsqu’elles circulent d’une fleur à l’autre pour butiner, les abeilles transportent les pollens qui ont un effet fécondateur dans la nature, a-t-il ajouté.

En sus, le langage des abeilles, leur capacité de communication “extrêmement sophistiquée” et leurs danses en rond ou frétillantes, dont les codes commencent à être décryptés par les éthologistes, est un “génie de la nature” qui prouve que les abeilles sont inspirées et que “ce n’est pas anodin de consacrer un chapitre (sourate) du Coran aux abeilles”, s’est-il émerveillé.

Le syndrome d’effondrement des colonies des abeilles est un “indicateur environnemental évident” qui signifie l’effondrement “d’une des actrices les plus actives dans la nature et dont le mode de vie a un lien direct avec les équilibres subtiles que l’on y trouve”, selon M. Skali.

Outre les abeilles, le Coran regorge d’exemples éloquents que l’expert a qualifiés d’”hymnes à la nature”, estimant que l’inspiration, cette « capacité de voir et de contempler tous ces éléments”, “vient lorsqu’on est dans une disposition de l’esprit à recevoir l’idée géniale”.

Parmi ces exemples, il a cité les cycles embryonnaires, les végétations, les animaux et le pouvoir des vents qui fécondent la nature.

Il a rappelé, dans ce cadre, le verset “Nous envoyons les vents qui fécondent et Nous faisons descendre du ciel l’eau avec laquelle Nous vous abreuvons… ”(Sourate Al-Hijr), expliquant que ces vents font bouger les nuages qui apportent de l’eau, qui, à son tour, va féconder la nature.

Un autre verset confirme “l’intelligence de la nature”: “De même tu vois la terre desséchée: dès que Nous y faisons descendre de l’eau elle remue, se gonfle, et fait pousser toutes sortes de splendides couples de végétaux.”(Sourate Al-Hajj). Pour cet expert du soufisme, ce verset fait ressortir l’idée du “couple végétal et de la végétation sexuée”.

“Actuellement, il y a des personnes qui ont des liens avec la nature et des valeurs qui leur permettent de vivre dignement leur vie humaine”, s’est-il réjoui, déplorant, toutefois, certaines formes de maltraitance à l’égard de la nature qui “s’expriment dans plusieurs registres et de plusieurs façons”.

“Le fait de chosifier la nature et d’en faire un être muet va engendrer un comportement d’instrumentalisation, d’utilisation, d’exploitation”, a-t-il martelé, notant une “vision matérielle” de l’écologie.

L’Homme a le “statut exceptionnel” de sa relation avec la nature à travers “Al Amana” (dépôt) ou responsabilité, a jugé M. Skali, indiquant qu’il y a toujours un “rapport à la nature et au cosmos de magnification et d’adoration” parce que la nature et le cosmos sont “le miroir divin”.

“‘Al amana’ va de pair avec le fait que l’humain soit une représentation du divin sur Terre (khalifa)”, a-t-il enchaîné, expliquant : “cela veut dire que (…) nous avons la responsabilité d’agir envers elle (la nature, ndlr) d’une façon respectueuse, qui en donne toute l’amplification, qui enchante toute la force, tout le mystère et toute la beauté ou à l’inverse on peut être dans une situation de rejet, de chosification, de consumérisme, d’agression…etc”.

Du point de vue religieux, toutes les créatures se prosternent devant Dieu et l’humain seul a “cette possibilité d’adhérer consciemment et de remplir un rôle conscient dans son rapport avec la nature ou au contraire s’en éloigner et la traiter de la façon la plus violente”, a-t-il argué.

La responsabilité de l’Homme a commencé à “s’estomper”, d’après le conférencier, avec les trois humiliations de l’humanité qui ont poussé à un paradigme “matérialiste et d’hyper puissance” et à une “mentalité prédatrice”.

La première humiliation est l’idée que l’Homme et la terre ne sont pas au centre du monde (Galilée), la deuxième est celle darwinienne avec la théorie de l’évolution et la troisième humiliation est celle freudienne, a-t-il expliqué.

“Si on n’est responsable de rien, si on est insignifiant dans cet univers immense, tout cela va nous mener à une vision matérialiste”, s’est-il désolé.

“On sait que le monde n’est pas éternel. il y a un début et une fin. Il s’inscrit dans une Histoire. (…) Il y a une source créatrice de ce monde qui est au-delà du temps, au-delà de l’espace, au-delà de la matière et c’est elle la source d’inspiration permanente”, a encore dit M.Sakli.

“Pourquoi sommes-nous là?”, s’est-il interrogé avant de répondre: “parce que nous avons un rôle à jouer dans notre capacité d’élever cette conscience, cette compréhension, d’élever notre capacité à magnifier, comme une forme d’adoration, la nature et se nourrir de cette forme de prière, de spiritualité et d’adoration”.

Et de conclure: “Nous pouvons être aussi éloignés que possible de ce rapport comme nous pourrons aussi être plus proches que possibles de cette connexion spirituelle. Notre raison d’être est (…) de prendre conscience de cette conscience universelle, participer à cette prière universelle dont il est dit ‘chacun sait naturellement quelle est la forme de prière ou de spiritualité qui l’habite’.

Cette conférence s’inscrit dans le cadre d’un cycle dédié au « Soufisme, ses textes fondateurs et ses expressions culturelles et historiques », organisé par la Fondation Al MADA à la Villa des arts de Rabat.

Titulaire d’un doctorat en anthropologie, ethnologie et sciences des religions à Paris VII, Faouzi Skali est professeur d’université et écrivain.

Auteur d’une quinzaine d’ouvrages traduits dans plusieurs langues, il est président du Festival de Fès de la culture soufie et a fondé en 1994 le Festival de Fès des musiques sacrées du monde qu’il a dirigé jusqu’à sa vingtième édition, en juin 2014.

Voir Aussi