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20 Déc

Brésil/2021 : Amazonie, quand un capital naturel incommensurable devient un fardeau diplomatique

Par Khalid ATTOUBATA.

Brasilia – L’Amazonie était, durant l’année qui s’écoule, au centre de l’actualité au Brésil et ailleurs. Elle l’était par le nombre d’incendies record, mais aussi par la pression sans précédent qu’elle a fait subir au gouvernement de Jair Bolsonaro de la part de la communauté internationale.

Si le président Bolsonaro voulait en faire un levier pour concrétiser ses promesses de campagne dans le domaine économique, la communauté internationale, qui voit en l’Amazonie une bouée de sauvetage contre le changement climatique, a imposé des restrictions sur les produits brésiliens, les investissements au Brésil et un blocus sur la ratification de l’accord de libre-échange entre l’Union européenne et le Mercosur (Marché Commun du sud).

Lors de la COP26, et pour calmer les ardeurs, la délégation brésilienne était en mission séduction, multipliant les promesses et les engagements à réduire la déforestation et l’empreinte carbone.

Mais dans les couloirs de la conférence, des scientifiques présentaient une étude montrant que les incendies en Amazonie brésilienne au cours des 15 dernières années augmenteraient de 21% la quantité de gaz à effet de serre générés par la déforestation.

L’étude de l’Institut de recherche environnementale de l’Amazonie (IPAM) souligne qu’entre 1990 et 2020, les incendies dans la forêt tropicale ont généré 1.298 millions de tonnes de dioxyde de carbone.

Un constat alarmant sachant que la plus grande forêt tropicale au monde absorbait à elle seule 7% des émissions de carbone dans l’atmosphère, une capacité qui lui a valu l’appellation de poumon de la planète.

Au Brésil même, le constat est sans appel. L’Institut national de recherche spatiale (INPE) a annoncé que le taux de déforestation dans l’Amazonie légale brésilienne (ALB) a augmenté de 21,97% en douze mois, jusqu’en octobre dernier.

Ainsi, l’engagement à Glasgow (Écosse) d’une centaine d’États, dont le Brésil, à stopper la déforestation d’ici 2030 est jugé insuffisant par les scientifiques, qui restent sceptiques, estimant que différentes régions de l’Amazonie se dirigent déjà vers le « point de basculement », qui verra une partie de l’Amazonie se transformer en savane.

Une autre étude, un peu plus optimiste, présentée à Glasgow par quelque 200 experts du monde entier, a averti que si les taux élevés actuels de déforestation sont maintenus, le poumon de la planète atteindra un point de non-retour avant 2050, avec la perte de 70 % de la végétation.

Les ONG estiment que si la déforestation continue de battre son plein, c’est en grande partie en raison de la politique passive du gouvernement. En effet, ce dernier, au moins durant les deux premières années de son mandat, voyait l’Amazonie comme une opportunité économique pour faire exploser la production agricole et l’exploitation minière.

L’Amazonie correspond à 59 % du territoire brésilien et couvre huit États, sur une superficie de 5 millions de km². 56% de la population indigène brésilienne y vit.

La crise climatique semble s’installer davantage au Brésil, où les émissions nettes d’équivalent dioxyde de carbone (CO2e) étaient de 2,16 milliards de tonnes en 2020, contre 1,97 milliard en 2019.

Pis encore, le Brésil a souffert en 2021 de la pire crise de l’eau au cours des 91 dernières années. Le manque de précipitations a affecté la plus grande économie d’Amérique latine sous différents aspects, de l’approvisionnement en eau de la population à la production d’électricité, en passant par le volume des récoltes qui a subi des perturbations et causé une grande dépréciation de la devise nationale.

La croissance du secteur agricole est en fait un enjeu majeur pour le gouvernement. Au cours des 35 dernières années, le Brésil a triplé la superficie consacrée à la culture du soja, dont la production occupe 36 millions d’hectares, une superficie plus grande que l’Italie ou le Vietnam, selon l’organisation MapBiomas.

Bolsonaro a tout simplement affirmé que les nouvelles concernant la possible disparition de l’Amazonie en raison de la déforestation et des incendies sont fausses et propagées par des Brésiliens qui veulent nuire à l’image du pays et effrayer les investisseurs.

En effet, les plans de sauvetage de l’Amazonie se heurtent aux mesures prises pour promouvoir l’agro-industrie, l’exploitation minière dans les réserves indigènes et propulser le Brésil à la 5è place mondial parmi les producteurs de pétrole d’ici 2030.

De ce fait, la question environnementale s’est propulsée au centre de la campagne pour les présidentielles de l’année prochaine, Bolsonaro, jugé climatosceptique, étant le moins soutenu à l’étranger, contrairement à Lula Da Silva, comme en a témoigné sa récente tournée européenne.

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