ActualitésLes Jardins historiques de Marrakech : Un trésor « vert » hautement préservé

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21 Mai

Les Jardins historiques de Marrakech : Un trésor « vert » hautement préservé

Par : Samir LOTFY

Marrakech – Très réputée par ses marchés traditionnels colorés et aux multiples senteurs, ses palais, ses remparts et ses monuments historiques des plus emblématiques, Marrakech est aussi un espace verdoyant avec des jardins historiques et des squares luxuriants, dont certains remontaient à de longs siècles de l’histoire, au point de constituer une partie intégrante de l’identité même de la Cité ocre.

Ces espaces verts, au-delà de leur valeur historique et civilisationnelle incontestable, sont d’un apport indéniable pour Marrakech, d’un point de vue écologique, compte tenu de leur contribution à l’amélioration de la qualité de l’air et leur rôle comme de véritables espaces de détente et de rafraichissement pour les autochtones comme pour les visiteurs, notamment durant les période de canicule, outre le fait qu’ils confèrent à la ville une véritable beauté esthétique.

A titre illustratif, le rôle de ces espaces verts a été mis en relief de manière claire au-lendemain du déconfinement opéré par le Royaume dans le cadre de ses efforts de lutte contre la propagation de la pandémie du nouveau coronavirus (Covid-19) lorsque, ces jardins ont commencé de nouveau à recevoir leurs visiteurs de tout âge, en quête d’un bol d’air frais et de détente, au-delà du stress et de l’anxiété tant générés par de longs mois de confinement.

C’est dire qu’à Marrakech, les jardins historiques comme les autres espaces verts constituent une partie intégrante du paysage de la ville et jouissent de ce fait, d’un intérêt particulier en termes de protection et de valorisation, notamment face aux répercussions néfastes d’une urbanisation galopante qu’a connue Marrakech, avec l’émergence de quartiers résidentiels, mais aussi d’un boom démographique accéléré.

La particularité de ces jardins, à l’instar des Jardins de l’Agdal, Arsat Moulay Abdesslam, Jnane El Harti, les Jardins de la Ménara…, c’est qu’ils sont tous clôturés, à l’exception, toutefois, de quelques-uns comme Arsat El Bilk jouxtant la mythique Place de Jemâa El Fna, ce qui permet leur préservation contre toutes les agressions de l’homme. Avec des horaires d’ouverture et de fermeture, une surveillance à longueur de journée, et des travaux d’entretien et d’aménagement quasi-permanents, de manière à préserver leur beauté et authenticité.

A Marrakech, les visites et balades au sein de ces « paradis terrestres » relèvent du quotidien des Marrakchis, notamment parmi les mordus de verdure et les plus nostalgiques de cette époque rayonnante où les « N’zaha » (promenades collectives) s’organisent de manière quasi-habituelle entre familles, amis, proches ou encore entre artisans.

C’est cet intérêt grandissant pour les zones vertes qui fait qu’à Marrakech, l’aménagement des espaces verts et jardins de proximité au niveau des quartiers résidentiels comme aux abords des grands boulevards, constitue une priorité dans le cadre des différents efforts de mise à niveau urbaine et urbanistique entrepris ces dernières années par les pouvoirs publics et les instances élues.

Importance historique, intérêt écologique et devoir moral de les protéger, les jardins historiques de Marrakech, avec leurs roses enivrantes, leur jacaranda, leur jasmin et fleurs d’oranger, constituent aussi une source d’inspiration pour moult artistes, écrivains et créateurs de mode, et ce, au fil des années et ce ne sont pas les exemples qui manquent.

On peut citer l’écrivain britannique Osbert Sitwell, pour qui, Marrakech était « la ville africaine idéale pour les pelouses, les palais à colonnes et les orangeraies », ou encore Matisse, Delacroix, Yves Saint Laurent, Les Beatles, Les Pierres et Jean-Paul Getty qui ont eu la chance de visiter la cité ocre et de s’inspirer de son âme et de la beauté de ses jardins.

Parmi les plus somptueux jardins historiques de la cité ocre figurent ceux de l’Agdal aménagés durant le XIIè siècle sur une superficie de 400 ha. Leur appellation signifie « Prairie Musée » (en amazigh). Il s’agit d’une splendide exposition d’arbres fruitiers, une vraie oasis luxuriante et verdoyante pour le plaisir des yeux et une réserve d’oxygène pur.

D’ailleurs, Monty Don, écrivain britannique sur l’horticulture, décrivait ces jardins comme ayant « une importance culturelle internationale au même titre que Versailles ou Villa d’Este ».

Un autre espace verdoyant de notoriété considérable, et dont le nom est intimement lié à celui de la cité ocre est les Jardins de la Ménara, construits autour d’un grand bassin avec une vaste oliveraie. Le jardin offre un lieu de détente et de relaxation durant la saison printanière, notamment avec ses séguias, ses espaces et tapis floraux.

Quand il fait beau, ces jardins, avec en arrière plan les cimes enneigés du Haut Atlas, offrent aux aficionados de la nature et des paysages féeriques, une véritable toile aux couleurs captivantes, avec un mélange de contrastes qui se mêlent et entremêlent en toute finesse et splendeur.

Autres jardins féériques sont ceux relevant du luxueux Palace de la Mamounia qui offrent pour une clientèle sélectionnée, une véritable immersion dans une oasis au coeur de Marrakech, à proximité d’autres jardins splendides, en l’occurrence ceux de la Koutoubia avec ses rosiers et ses orangers.

Les visiteurs de la cité ocre peuvent également se lancer le temps d’une belle matinée dans la découverte du Jardin Secret de Marrakech au quartier Mouassine dans l’ancienne Médina, une oeuvre du Sultan Saâdien Moulay Abdellah.

S’étendant sur une superficie de 4.000 m2, le Jardin secret est scindé en une tour de 17 m et deux jardins, dont un islamique et l’autre exotique, rassemblant des plantes en provenance des cinq continents.

Il serait donc impossible de se rendre à Marrakech sans prendre le temps d’éveiller ses sens, et de vivre la joie et l’immense plaisir de s’envoler, le temps d’un périple inédit au coeur d’une multitude, cette fois-ci, de jardins botaniques, dont chacun a son propre âme et sa propre ambiance.

Parmi les jardins botaniques les plus connus est celui de Majorelle crée par le peintre Jacques Majorelle tombé amoureux de la cité Ocre. Ce jardin aux couleurs magiques, compte différentes espèces de plantes en provenance des quatre coins du monde.

On note également le Jardin « Anima » étalé sur plus de deux hectares à proximité de la ville de Marrakech, avec une belle vue sur l’imposante chaine montagneuse du Haut Atlas, ou encore « Jnane Tamsna », détenu par l’ethnobotaniste Gary Martin dans la zone de la Palmeraie, et qui a la particularité d’offrir généreusement la sensation d’une oasis en plein désert.

Marrakech compte également un Musée de la Palmeraie ouvert en 2011 après une longue période de développement de 10 ans.

Approché par la MAP, M. Abderrazak Benchaâbane, botaniste, a rappelé que Marrakech, dès sa fondation par la dynastie Almoravide, avait été dotée, bien avant la première urbanisation, de Jnan Saliha, un jardin planté d’oliviers et qui était sensé nourrir les habitants de la ville et son armée, notant que ce jardin qui n’a plus de traces actuellement, avait cédé la place au mythique Palais Badii de l’époque des Saadiens et au Méchouar et d’autres bâtiments annexes, et ce, dès l’avènement de la Dynastie Alaouite.

« C’est au XIIème siècle sous le règne des Almohades que la ville de Marrakech va être dotée de véritables parcs, à l’instar des jardins de l’Agdal ou encore la Ménara, à vocation agricole et de loisirs », a expliqué M. Benchaabane, également auteur de l’ouvrage « Marrakech Cité- Jardin : Grandeur, décadence et naissance », un opus de 228 pages paru en 2014 aux Editions Burkan.

Et de poursuivre que « chaque dynastie a laissé son empreinte sur les jardins de la Cité ocre qui bénéficia d’une véritable politique écologique à chacun de ces époques », citant à titre d’exemple, les jardins du palais Badii, Arsat Moulay Abdeslam, la Bahia, Dar Si Said qui témoignent de l’importance qu’accordaient Monarques, Princes, Vizirs et notables à la création de jardins dans la ville.

M. Benchaâbane a, de même, tenu à souligner que la population de la ville intra-muros a perpétué la tradition d’aménager et de cultiver des jardins au sein des remparts et de satisfaire, ainsi, les besoins en fruits et légumes des habitants, notant que ces jardins de proximité, aujourd’hui, disparus restent toujours dans la mémoire des Marrakchis avec les noms qu’ils portaient alors « Arsat Houta », « Arsat El Mellak », « Arset Bouaachrine », « Jnan Benchegra » …etc.

Au XX siècle, a relevé ce spécialiste, le protectorat, sous l’impulsion du Maréchal Lyautey a inauguré un nouveau modèle de jardins, tout en gardant d’anciens jardins de la ville, faisant, savoir que les nouveaux jardins ont été créés dans un style occidental de parcs à l’européenne, tels que « Jnan El Harti », « le quartier de l’hivernage », « Arsat Lbilk »… etc.

Et d’ajouter qu’avec ces nouveaux jardins et l’aménagement d’espaces verts, la Cité ocre a vu s’agrandir son patrimoine écologique au fil des siècles, estimant, en guise de conclusion, que parler des jardins à Marrakech, c’est aussi évoquer dix siècles de son histoire aussi rayonnante que passionnante.

Malgré une urbanisation galopante et l’émergence d’une série de quartiers résidentiels, et ce au détriment des superficies vertes, Marrakech avec sa célèbre Palmeraie et ses multiples jardins et espaces verts ne cesse de faire montre de « résistance » et de « résilience » pour préserver sa vocation de Cité- Jardin.

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